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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

toute éternité, raison primordiale, idée unique de toute créature, Guillaume, plus prudent que Jean Scot Érigène, évite d’appliquer l’épithète de créée ; la doctrine qu’il vient d’énoncer est alors vraiment catholique, vraiment reçue par tous les docteurs chrétiens.


Cette exposition des pensées de Guillaume d Auvergne est forcément bien écourtée ; c’est tout le De Universo qu’il faudrait pouvoir citer. Elle suffit cependant, croyons-nous, à montrer comment l’Évêque de Paris entendait l’Aristotélisme, il y voyait trois affirmations essentielles :

La première, c’est que la création tout entière a été faite nécessairement et de toute éternité.

La seconde, c’est que Dieu n’a créé directement qu’un être unique ; bien que créé, cet être a été, à son tour, créateur ; l’Intelligence qu’il avait produite a, elle aussi, fait œuvre créatrice, et l’Univers entier a été produit par une suite de créations non pas successives, puisqu’elles sont toutes éternelles, mais subordonnées les unes aux autres.

La troisième, c’est que les âmes humaines, créées par la dixième Intelligence, ne se distinguent point les unes des autres, si ce n’est en raison des corps quelles informent ; séparées de ces corps, elles ne forment, plus qu’une âme unique.

Logiquement liées les unes aux autres, ces trois doctrines sont trois hérésies redoutables que le Chrétien doit combattre avec la dernière vigueur ; cette lutte contre les hérésies aristotéliciennes, il la mènera de pair avec la lutte contre l’hérésie astrologique, qui est venue des pays musulmans en même temps que les trois premières, et qui est soutenue, bien souvent, par les mêmes philosophes ; cette dernière hérésie est souverainement funeste, car elle supprime le libre arbitre de l’homme. Au De Universo et, surtout, au De Legibus, Guillaume d’Auvergne ne cesse de la réfuter.

II
DIGRESSION AU SUJET D’UN AXIOME DE BOËCE :
lesse, le quod est, le quo est

Dans la Somme théologique d’Alexandre de Hales, dont l’étude va retenir notre attention, il nous arrivera de lire ce passage[1] :

  1. Alexandri de Ales Summa theologica, pars II, quæst. XX, membrum II, art. II.