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AVICÉBRON

ces formes diverses à l’unité est plus grande et plus manifeste que dans les substances inferieures. Ainsi en est-il pour les Ames comparées entre elles et à la Nature. Il en est de même jusqu’à ce qu’on parvienne à la plus subtile et à la plus simple, qui est la substance de l’intelligence ; cette substance-ci devra être celle qui, dans son essence et dans son unité, comprend le plus de formeset les réunit le plus intimement. »

Chacune de ces substances spirituelles présente ainsi, avec la substance immédiatement inférieure, des relations absolument semblables à celles que la Nature noue avec le Corps. De même que la Nature imprime dans le Corps les formes qui sont en elles ; de même, « la substance plus parfaite[1] agit sur la moins parfaite et imprime ses formes en elle ».

Toute substance spirituelle est placée entre une substance supérieure dont elle subit l’action et une substance inférieure en laquelle elle agit. « Toute substance corporelle est composée et ne fait que subir l’action[2] Mais une substance spirituelle est, à la fois, agent et patient, car elle est simple d’une certaine manière et composée d’une autre manière. Ce qui est à lafois agent et patient, ce qui est composé d une certaine manière, et simple d’une autre manière, comprend une multitude de formes ; et s’il comprend une multitude de formes, c’est qu’en lui, ces formes multiples sont en puissance. En toute substance simple, donc, il y a une multitude de formes en puissance. Or, tout ce qui contient une multitude de formes en puissance les fait passer de la puissance à l’acte. Toute substance simple est donc l’agent qui fait passer à l’acte les formes en puissance qu’elle contient.

» Il faut nécessairement que toute cause imprime ses formes et ses figures dans son effet. Mais jamais ce qui est imprimé de la sorte n’égale en force et en perfection ce par quoi il est imprimé. Il faut donc que la cause soit plus riche en formes et en figures que ne l’est son effet. »

Chacune des substances universelles imprime, dans la substance inférieure, les formes qui sont en elles, comme la Nature met son sceau dans le Corps. Mais, de plus, la Nature contient le Corps ; ainsi en est-il de chacune des substances spirituelles à l’égard de celle qui lui est immédiatement inférieure. « Les substances universelles se contiennent les unes les autres[3], et toutes contiennent la substance composée de la meme manière que l’intelligence

  1. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, III, cap. 47. p. 185.
  2. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, III, cap. 22. p. 130.
  3. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, III, cap. 57. p. 207.