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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

Dans la doctrine d’Avicébron, il est une thèse essentielle qu’il combat de toute manière ; c’est la thèse au gré de laquelle les créatures spirituelles seraient, tout comme les créatures corporelles, composées de matière et de forme.

« Il a été nécessaire, dil-il[1], que Dieu créât simples toutes les créatures jusqu’à ce qu’il parvint à la créature corporelle. La cause en est que la forme corporelle a seule besoin de matière, et cela, en vue de ses opérations corporelles, qu’elle ne peut exercer si ce n’est par le moyen de dispositions matérielles

Mais les vertus spirituelles, qui agissent par elles-mêmes et sans l’aide de ces auxiliaires, n’ont aucun besoin de matière ; il serait superflu d’en mettre en elles. »

« Sachez[2] que certains hommes qui ont voulu se faire un nom parmi les sages ont admis que la capacité de recevoir des formes était propre à la matière ; ils en ont conclu qu’il n’y avait pas de substance [créée] immatérielle ; puisqu’aucune forme ne peut être reçue, si ce n’est dans une matière propre et par le moyen de cette matière, la matière existe en toute substance. Mais en tenant ce langage, ces hommes ont commis de multiples erreurs, »

Contre les tenants de cette opinion, Guillaume accumule les objections ; citons-en seulement quelques-unes.

« Ils se trompent, dit l’Évêque de Paris, en ce qu’ils sont contraints d’admettre que la matière est issue, en premier lieu, du Créateur ; d’admettre, donc, que la plus imparfaite de toutes les substances est la plus voisine du Créateur, qu’elle est sortie de lui avant toute autre, partant, que l’imparfait précède le parfait dans l’ordre naturel. »

« Il en résulterait[3] que cette matière est susceptible d’être créée naturellement sans forme, car ce qui précède n’a pas naturellement besoin de ce qui suit, ni le plus parfait du moins parfait. »

« En outre[4], ou bien la matière que ces philosophes mettent dans ces créatures spirituelles est une matière corporelle, c’est-à-dire une matière de même espèce que celle des corps, ou bien elle est d’une autre espèce.

» Si elle est de même espèce, voici que de telles substances

  1. Guillermi Parisiensis Episcopi De Universo secunda pars principalis, pars I ; éd. 1516, t. II, cap. XLVI, fol. CCXV, col. a ; éd. 1674, cap, II, p. 797, col. b.
  2. Guillaume d’Auvergne, loc. cit. ; éd. 1516, cap. LII ; t. II ; fol. CCXVII, col. a ; éd. 1674, cap. VII, p. 801, col. b.
  3. Guillaume d’Auvergne, loc. cit. ; éd. 1516, cap. XLVI ; t. II ; fol. CCXV, col. b ; éd. 1674, cap. II, p. 798, col. b.
  4. Guillaume d’Auvergne, loc. cit. ; éd. 1516, cap. LII ; t. II ; fol. CCXVII, coll. b et c ; éd. 1674, cap. VII, p. 802, coll. a et b.