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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

le Verbe ». Il remarque que la connaissance de cette Sagesse est chose si haute « que la nation des Hébreux ne l’a pas atteinte, si ce n’est, peut-être, par quelques-uns de ses saints et de ses sages, c’est-à-dire par ses prophètes et par quelques autres qui l’ont reçue des prophètes.

» Quant à la nation des Arabes, elle n’en a pas, en général, eu connaissance, et même, selon l’erreur par laquelle elle a été séduite, elle en nie la possibilité.

» Le théologien Avicébron, bien qu’il paraisse Arabe de nom comme de langue, a évidemment possédé cette connaissance, car il en a fait expresse mention dans le traité qu’il a appelé Fons sapientiæ où il consacre un livre particulier au Verbe de Dieu qui fait toutes choses : aussi, je pense qu’il était chrétien ; l’empire des Arabes, en effet, était, il n y a pas fort longtemps, soumis tout entier à la religion chrétienne, comme nous le manifestent les récits de l’histoire.

» Quelques-uns des anciens philosophes ont également eu cette connaissance, tel Platon et Mercure ; Mercure surtout, car il a écrit, sur le Verbe parfait, un livre entier qu’il a, pour cette raison, intitulé Λογιστέλειος. »

Cet ouvrage de l’apocryphe Hermès Trismégiste est, aujourd’hui, inconnu. Le Λόγος τέλειος ou Λογιστέλειος[1] est un livre que Lactance attribuait à cet auteur ; le traité Contra quinque hæreses, qu’on mettait au compte de Saint Augustin, le citait, et toute la Scolastique latine s’était empressée de reproduire cette citation.


E. L’unité de l’intelligence humaine.


Parmi les erreurs attribuées à « Aristote et à ceux de sa suite », celle que Guillaume combat avec le plus d’acharnement, c’est l’erreur qui, après la mort, confond en une âme unique toutes les âmes humaines ; c’est assurément, à son avis, l’hérésie la plus grave et la plus dangereuse qu’il y ait dans toute la Philosophie contre laquelle il lutte. Contre elle, l’argumentation doit s’aider de la force « Contre cette erreur relative à l’âme humaine[2], les hommes de toutes sortes doivent s’armer non seulement de raisons et de preuves, mais encore du fer et de tourments de tous genres, afin de l’exterminer ; cette erreur, en effet, enlève aux âmes

  1. Voir à ce sujet : M. Baumgartner, Die Philosophie des Alanus de Insulis im Zusammenhange mit den Anschauungen des 12. Jahrhunderts, p. 13 et p. 115 (Beiträge zur Geschichte des Mittelalters, Bd. II, Heft IV ; Münster, 896).
  2. Guillermi Parisiensis Episcopi De Universo secunda pars principalis, pars I, cap. X ; éd. 1516, t. II, fol. CCII, col. a ; éd. 1674, p. 772, coll. a et b.