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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

» Voici maintenant pourquoi il a supposé que les cieux sont mûs, par leurs Âmes, d’une révolution continuelle. Il a supposé que les situations occupées par les diverses parties d’un ciel constituaient, pour ces parties, certaines perfections, tels les lieux naturels pour les corps qui se meuvent par nature. Mais les diverses parties d’un ciel ne peuvent occuper simultanément toutes les situations de cette sorte ; elles ne peuvent, par exemple, être toutes, en même temps, au-dessus de telle partie de la Terre. Cependant, en chacune de ces parties, il y a puissance à se trouver en chacune de ces situations. Alors chaque Âme des cieux fait passer à l’acte cette potentialité qui réside en chacune des parties de son ciel, de la manière et avec la vitesse qui sont possibles pour ce ciel ; [à la simultanéité], elle supplée ainsi par la succession ; elle donne la perfection à la potentialité de chacune des parties du ciel en lui conférant les états actuels l’un après l’autre, parce que de telles potentialités ne peuvent posséder simultanément toutes leurs formes actuelles. »

« Observez et comprenez bien, poursuit Guillaume, conseillé par son bon sens auvergnat, que cette erreur-là est ridicule en bien des manières. En outre, elle paraît impossible à soutenir. Aucune de ces situations ne donnerait aucun bonheur à aucune partie d’aucun des cieux ; supposé même, si possible, qu’une partie occupât à la fois toutes ces situations, elle n’en serait pas plus heureuse. Il leur est donc bien inutile de rechercher ces situations, et leur mouvement est oiseux et superflu… Il ne diminue pas le mal que constitue la potentialité… puisque toute situation acquise est, d’une manière nécessaire, continuellement perdue ; dès lors, il est stupide de s’efforcer de l’acquérir, et il est ridicule d’imaginer que ces grands corps besognent pour la regagner et la reperdre continuellement. »

Guillaume n’est guère moins sévère à l’égard de la théorie de l’amour « qu’Aristote et les autres[1] » développent à propos de ces mouvements des cieux.

« L’amour qu’ils mettent[2] dans les Âmes des cieux n’est pas, pour moi, l’objet d’un mince étonnement. Tout amour, disent-ils, recherche l’utilité qui est attribuée à l’objet aimé ou la volupté de celui qui aime ou quelque autre chose que poursuit le désir. Mais la recherche, par celui qui aime, de ce qui lui est utile ne constitue

  1. Guillaume d’Auvergne, loc. cit., cap. IV ; éd. 1516, t. II, fol. CXCVII, col. c. ; éd. 1674, fol. 703, col. b.
  2. Guillaume d’Auvergne, loc. cit., cap. V : éd. 1516, t. II, fol. CXCVIII, col. b ; éd. 1674, fol. 765, col. a.