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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

de potentiel ; alors, elle a projeté hors d’elle-même comme une ombre qui était la matière du premier ciel.

» En se comprenant elle-même dans sa propre perfection, elle a laissé échapper d’elle-même nue seconde splendeur qui était, par rapport à la première, comme un rayon plus faillie et une lumière secondaire ; ce fut la forme du premier ciel ; ainsi le premier ciel se trouva complètement produit par ce que connaissait la première Intelligence et par la science qu’elle avait d’elle-même ; d’ailleurs, par cette forme du ciel, ils ont voulu[1] entendre sa figure (formam corporalem).

» En quatrième lieu, cette Intelligence comprenait son être spirituel ; par là, elle a fait briller hors d’elle-même un troisième rayon, c’est-à-dire l’Âme du premier ciel, qui est une vertu capable de mouvoir ce ciel de mouvement local ; ils ont entendu que cette Âme fût proprement la forme et la perfection du ciel.

» Ils ont admis, en effet, que le ciel était un être animé composé d’un corps mû, jouant le rôle de matière, et d’une âme de cette sorte, jouant le rôle de forme.

» Par une voie analogue, ils ont admis que, de chacune des Intelligences suivantes, sortait une Intelligence inférieure, la matière, la forme et l’âme d’un ciel inférieur, jusqu’à ce qu’on arrivât à la dixième Intelligence. Cette dernière Intelligence, ils ont admis qu’elle est le soleil intelligible de nos âmes ; ils ont admis qu’elle est le principe qui crée les choses multiples et susceptibles de se multiplier, que d’elle aussi proviennent nos âmes »…

« Cette dixième Intelligence[2], en se pensant simplement elle-même et en connaissant ce qu’il y a en elle de potentiel, est cause des matières des choses sujettes à la génération et à la corruption ; d’autre pari, en connaissant ce qu’il y a d’actuel en elle, en connaissant ce qui est la perfection opposée à sa potentialité, elle produit les formes corporelles de ces choses ; en se pensant dans sa spiritualité, en connaissant qu’elle est telle intelligence, elle crée les âmes humaines ; mais lorsqu’elle se connaît ainsi, elle n’est qu’une chose unique et n’opère qu’à titre d’être unique : de cette manière, donc, il ne proviendra d’elle qu’une seule chose ; dès lors, par essence et eu vérité, toutes les âmes humaines ne seront qu’une seule âme. Vous devez savoir, en effet, qu’ils ont été conduits à cette erreur : Ils pensent que toutes les âmes humaines,

  1. Au lieu de : voluerunt, le texte, par une erreur évidente, porte noluerunt.
  2. Guillermus Parisiensis episcopus, loc. cit. ; éd. 1516, tract. III, cap. X, t. II. fol. CIII, col. d. et fol. CIV, col. a ; éd. 1674, cap. XXVI, p. 585, col. b.