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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

science et de solide bon sens qui, en 1228, était monté sur le siège épiscopal de Paris. Par ses divers écrits philosophiques et, surtout, par son monumental traité De Universo, Guillaume d’Auvergne allait élever une digue à l’abri de laquelle la vieille Scolastique chrétienne pût demeurer sauve du torrent d’opinions dangereuses ou hérétiques que l’Islam déversait sur les écoles latines.


A. L’École d’Aristote selon Guillaume d’Auvergne.


Toutes ces opinions, un nom les marquait et servait, pour Guillaume comme pour ses contemporains, à leur donner une apparente unité ; qu’elles se rencontrassent dans les écrits mêmes du Stagirite ou dans ceux d’Al Fârâbi, d’Avicenne ou d’Al Gazâli, elles étaient toutes tenues comme émanant d’une même École, celle d’Aristote ; L’École d’Aristote, c’était essentiellement l’École dont la pensée semble réfractaire à toute union avec le Dogme chrétien, tandis que la pensée platonicienne se laisse plus aisément plier aux enseignements de l’Église.

Que l’Aristotélisme soit bien, au sentiment de Guillaume d’Auvergne, Évêque de Paris, une ample doctrine où le Néo-platonisme arabe se trouve tout entier compris, il nous est aisé d’en acquérir l’assurance. Ouvrons le De Universo, et lisons le chapitre[1] qui porte ce titre caractéristique : « Error Aristotelis et aliorum philosophorum qui sequuntur eum de generatione intelligentiarum et corporum cælestium. — Erreur d’Aristote et des autres philosophes qui le suivent sur la génération des intelligences et des corps célestes. »

« Je vous ai montré dans un discours général, dit Guillaume, de quelle manière les premières créatures sont sorties du Créateur… Mais les Philosophes, et surtout les Péripatéticiens, c’est-à-dire ceux qui ont suivi Aristote (Aristotelis sequaces), ainsi que ceux de la race des Arabes qui furent les plus fameux dans les enseignements d’Aristote (in disciplinis Aristotelis), ont prétendu que la première créature avait été nécessairement unique ; ils ont dit que ce Premier Créé était une première Intelligence très noble : ils ont dit aussi que le premier Ciel et son mouvement provenaient de cette Intelligence selon le mode que j’indiquerai tout à l’heure.

  1. Guillermi Parisiensis Episcopi De Universo prima pars principalis pars prima ; Guillermi Parisiensis Episcopi Opera, éd, 1516, tract. III, cap. VIII, t. II, fol. CIII, Coll. c et d ; éd. 1674, cap. XXIV, p. 584, col. b. et p. 585, col. a. — Nous donnerons, à la fois, la référence à l’édition de 1516 et la référence à l’édition de 1674, car deux éditions présentent des divisions en parties et chapitres qui ne concordent nullement. Pour la description de ces deux éditions, voir ; Tome III, p. 250, note 1.