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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

nale de Paris ; l’un[1] l’appelle Liber Alexandri de uniate et l’autre[2] Liber Alexandri de intitule translatus de græco in latinum. Il s’en faut bien, d’ailleurs, que cet écrit fût toujours mis au compte d’Alexandre[3] ; un manuscrit le présente sous le nom du véritable auteur, Gundissalinus ; d’autres le donnent comme de Boëce, d’Al Kindi, d’Al Fârâbi ; des deux manuscrits qui l’intitulent comme s’il était d’Alexandre, le premier lui donne cet explicit : Explicit liber de unitate Alquindi.

Pour reconnaître que le De unitate n’a pas été la source de la doctrine de David, il suffît de l’ouvrir. Non seulement nous n’y rencontrons aucune des quatre propositions qu’Albert extrait textuellement du livre d’Alexandre le Péripatéticien, mais encore nous y trouvons une Métaphysique absolument opposée à celle du Philosophe de Dinant. Dominique Gondisalvi écrit, par exemple, au sujet de la Matière première[4] : « La matière n’a pas d’existence, si ce n’est par son union avec la forme…, La matière, en effet, est contraire à l’unité, car, d’elle-même, la matière se répand ; par sa nature, elle a la propriété de se multiplier, de se diviser et de se disperser, tandis que l’unité retient, unit et rassemble. » Or Albert nous apprend qu’Alexandre, pour établir l’identité de Dieu et de la Matière première, affirmait que, tout comme Dieu, la Matière est un être, qu’elle est une, simple et indivisible comme Dieu. « Le point de vue d’Hauréau, dit M. Paul Correns[5], n’a, en général, reçu aucune approbation. » Pour commettre une pareille méprise, il fallait cette inintelligence de la pensée médiévale que trahit toute l’œuvre d’Hauréau.

Nous sommes assuré maintenant qu’Albert le Grand connaissait un traité mis au compte d’Alexandre d’Aphrodisias ; que ce traité soutenait la thèse de l’identité entre Dieu, le Noys et la Hyle reprise ensuite par David de Dinant ; que, pour appuyer cette thèse, il développait au moins un des arguments donnés par David ; enfin que cet ouvrage n’a pu être retrouvé jusqu ici.

Albert le Grand déclare emprunter à ce livre la doctrine qu’il expose comme étant celle de Xénophane ; son exposé nous fournit ainsi maint renseignement précieux.

  1. Bibliothèque Nationale, fonds latin, no 6443.
  2. Bibliothèque Nationale, fonds latin, no 6325.
  3. Die dem fülschlich zugeschriebene Abhandlung des Dominicus Gondisalvi De unitate. Herausgegeben und philosophiegeschichtlich behandelt vor Dr Paul Correns. Münster. 1891 ; pp. 12-13 (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters. Bd. I, Heft I).
  4. Paul Correns, Op. laud., pp. 4-5.
  5. Paul Correns, Op. laud., p. 48.