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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

en la Substance simple telles qu’elles sont dans la substance composée ; il en résulterait, en effet, qu’en ses formes, la Substance simple est semblable à la substance composée. Ces formes sont, en la Substance simple, d’une autre manière, beaucoup plus subtile et plus simple ; elles sont les formes mêmes, les formes séparées de leur matière, perçues par l’âme et dépouillées de la substance [où elles étaient en acte]. Elles sont plus subtiles et plus simples que les formes soutenues par leurs matières respectives, car elles ne sont soutenues que par l’essence d’une Âme dépouillée de toute matière corporelle. »

L’analyse qui a permis à Ibn Gabirol de définir et de décrire la Nature universelle, va lui faire reconnaître l’existence et les attributs des diverses substances simples et spirituelles.

L’existence de chacune d’elles résultera de l’application constante du principe cher à nuire philosophe : L’existence d’êtres particuliers multiples que rapproche les uns des autres un caractère commun implique l’existence d’un être unique dont ces êtres particuliers tiennent ce caractère, et qui leur confère l’unité spécifique :

« J’observe, dit-il[1], que le corps particulier a besoin d’un Corps universel, et, de même, que la nature particulière a besoin d’une Nature universelle, car c’est de cette Nature universelle qu’elle tient son essence et son existence. Je vois, dès lors, par cette même considération, que les âmes particulières doivent axoir besoin de trois Âmes universelles et d’une Intelligence universelle ; c’est, en effet, par ces Substances universelles qu’elles auront essence et existence, »

« Ne vois-tu pas[2] que les végétaux sont mûs par le mouvement qui les fait croître, se nourrir et engendrer ? N’as-tu pas là le témoignage qu’il existe une substance, l’Âme végétative, dont l’action produit ces mouvements ? De même que la conjonction des diverses parties du corps et leur cohésion ont témoigné de la substance qui produit ces effets, et qui est la Nature…

» Considère de même le mouvement par lequel le sens est modifié, le mouvement qui consiste à réfléchir, à connaître et à raisonner ; ils témoigneront de l’existence des substances qui les produisent, qui sont l’Âme animale, l’Âme rationnelle et l’Âme intellectuelle. »

Chacune de ces substances prête à des considérations semblables à celles qu Avicébron a développées au sujet de la Nature.

  1. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, III, cap. 45. pp. 180-181.
  2. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, III, cap. 46. p. 181.