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AVICÉBRON

que l’âme est, par soi, distincte du corps et qu’elle lui est jointe sans lui être indissolublement liée (cohærens), de même la Substance spirituelle est, par soi, distincte du corps du Monde, et elle lui est jointe sans lui être indissolublement adhérente. »

C’est la Nature qui, dans la matière déjà pourvue de corporéité, dans le Corps, imprime les figures, les formes, les accidents aptes à déterminer les substances sensibles, à leur donner l’existence actuelle[1]. C’est parce qu’elle contient en elle-même, d’une certaine manière, ces figures, ces formes, ces accidents, qu’elle les peut imprimer dans le Corps universel, comme le cachet imprime dans la cire l’empreinte qui est en lui d’une certaine manière[2]. Par suite de l’union entre la substance simple qu’est la Nature et la substance complexe formée par la collection des choses sensibles, les formes contenues dans la Nature découlent naturellement, de celle-ci et viennent marquer leur sceau sur le Corps qui leur est opposé ; en sorte qu’en cette opération, la Nature est l’agent et le Corps le patient[3].

Dans la Substance simple qui les imprime, les formes ne sont pas, d’ailleurs, de la même façon qu’au sein de la substance composée où l’impression en est reçue ; dans celle-ci, le sens peut les percevoir ; dans celle-là, l’intelligence seule les conçoit ; « Les formes[4], sorties de la substance simple, qui se rencontrent en la substance composée sont des formes effectives et apparentes au sens. Après qu’une substance simple a été unie à une substance composée, les formes purement intelligibles qui résidaient en elle en sortent pour passer de la puissance à l’acte et, alors, elles apparaissent au sens. »

Ces formes sensibles, imprimées par la Nature dans le Corps, sont complexes ; elles ne sont ni absolument corporelles ni absolument spirituelles : elles sont quelque chose d’intermédiaire ; au contraire, dans la Nature qui a imprimé ces formes sensibles, les formes intelligibles sont purement spirituelles ; ainsi, dans la Substance spirituelle, ces formes sont plus simples qu’en la Substance corporelle où le sens les perçoit[5].

En résumé, « La Forme simple n’imprime rien qui ne soit en son essence[6]… Mais il n’est pas possible que la forme de quantité, que la figure, que la couleur, que les quatre qualités soient

  1. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, IV, cap. 10. p. 232.
  2. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, II, cap. 12. p. 44.
  3. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, III, cap. 20. pp. 126-127.
  4. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, III, cap. 21. p. 128.
  5. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, III, cap. 16. p. 112.
  6. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, III, cap. 25. p. 140.