Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/219

Le texte de cette page n’a pas pu être entièrement corrigé, à cause d’un problème décrit en page de discussion.
213
MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

nous devrons nous souvenir que la pensée parisienne n’a pu lui demeurer tout à fait étrangère.


B. L’âme humaine et son immortalité.


Parmi les questions où le Néo-platonisme d’un Moïse Maïmonide venait heurter les enseignements de la foi d’Israël, il en est deux qui semblent dominer toutes les autres : L’Âme immortelle de l’homme conserve-t-elle sa personnalité ou bien lui faut-il, afin de se perpétuer, se fondre dans une Intelligence active unique pour tous les hommes ? Le Monde est-il éternel ou bien a-t-il eu un commencement ? C’est à ces deux problèmes que Léon le Juif a tout spécialement attaché son attention.

Ce qu’il a dit de chacun de ces deux problèmes, mais particulièrement du premier, a été exposé en grand détail par M. Joël[1] ; sans reproduire tous les renseignements que nous fournit celui-ci, nous allons nous efforcer d’en dégager, touchant l’immortalité de l’âme, l’idée maîtresse de Lévi ben Gerson.

L’opinion que celui-ci professe au sujet de l’intelligence en puissance[2] se rapproche grandement de celle d’Alexandre d’Aphrodisias ; il pense, comme ce dernier, que l’intelligence est une mise en acte de la matière, que la matière est le support de l’intelligence en puissance. Mais il s’écarte d’Alexandre en ce que la matière, à son gré ne porte pas directement l’intelligence en puissance : elle la porte indirectement et par un intermédiaire.

En effet, avec Avicébron, dont il subit ici l’évidente influence, Lévi veut qu’on distingue entre les formes directement tirées de la matière, et les formes qui adviennent indirectement à la matière, à titre de mises en acte ultérieures de formes préexistantes. « La matière[3] s’élève de degré en degré par des mises en acte successives qui se superposent les unes aux autres. Une première entéléchie est l’intermédiaire par lequel cette matière atteint une autre entéléchie ; une entéléchie n’est là que pour en désirer une autre, jusqu’à ce qu’une dernière entéléchie soit atteinte, par laquelle se trouvent parcourus tous les degrés du devenir, »

Chez les animaux[4] aussi bien que chez l’homme, une première

1. Voir : Seconde partie, ch. VIII, § VII ; t. IV, pp. 39-40.

  1. M. Joël, Lewi ben Gerson (Gersonides) als Religionsphilosoph. Ein Beitrag trag zur Geschichte der Philosophie and der philosophischen Exegese des Millelalters, Breslau, 1862 (M. Joël, Beiträge zur Geschichte der Philosophie. Bd. I. Breslau, 1876).
  2. M. Joël, Op. laud., p. 31.
  3. M. Joël, Op. laud., p. 32.
  4. M. Joël, Op. laud., p. 31.