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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

errant, il se trouvera des orbes concentriques au Monde et des orbes excentriques ; ceux-ci et ceux-là ne pourront être immédiatement contigus. Reprenant une supposition que Moïse Maïmonide et Albert le Grand attribuaient à Thâbit ben Kourrah[1], Lévi ben Gerson pense qu’entre ces divers orbes, la continuité et la transmission du mouvement se trouvent assurées par un corps fluide incapable d’opposer la moindre résistance aux déformations que les mouvements célestes lui font éprouver[2] ; il s’attache à définir[3] avec un soin particulier les propriétés physiques de ce fluide intermédiaire.

Quarante-huit sphères[4], concentriques au Monde ou excentriques, suffisent, si l’on en croit Lévi ben Gerson, à rendre compte très exactement de tous les mouvements des étoiles fixes et des astres errants.

Chacune de ces sphères est mue par une intelligence immatérielle[5] ; le nombre de ces esprits qui meuvent les cieux doit donc être porté à quarante-huit. Lévi, toutefois, reprenant une considération d’Avicenne[6], pense qu’à tout le système des sphères qui meuvent une même planète, on pourrait n’attribuer qu’une seule intelligence motrice ; on pourrait aussi n’en attribuer qu’une aux sphères qui entraînent les étoiles fixes ; on ne compterait plus alors que huit moteurs séparés de la matière.

Pour les Péripatéticiens comme pour les Néo-platoniciens, le mouvement se transmettait, de sphère en sphère, de la plus élevée à la plus basse ; cet ordre de transmission du mouvement marquait aussi l’ordre hiérarchique entre les moteurs ; parmi les intelligences motrices, la plus noble mouvait la sphère la plus élevée, le premier mobile ; la plus humble présidait à la rotation de la sphère la plus voisine de la Terre, de celle qui porte la Lune. Au-dessous de la moins noble parmi les substances séparées qui meuvent les cieux, le Néo-platonisme arabe en mettait encore une ; et celle ci, députée à la sphère où régnent la génération et la destruction, c’était l’Intelligence active.

Lévi ben Gerson admet, lui aussi, une Intelligence active qui gouverne le Monde sublunaire ; mais de même qu’à son gré, le

  1. Voir : Première partie, ch. XI, § 1 ; t II, pp. 118-119.
  2. Lévi ben Gerson, Milchamot Adonaï, livre 5. ch. XXXIII. — E. Renan, Op. laud., p. 635. — J. Carlebach Op. laud., p. 43 et p. 108, note 57.
  3. Lévi ben Gerson, Milchamot Adonaï, livre V, seconde partie, ch. II. — {{sc|J. Carlebach}, Op. laud., p. 108, note 57.
  4. J. Carlebach, Op. laud., p. 49.
  5. Lévi ben Gerson, Milchamot Adonaï, livre V, troisième partie. — J. Carlebach, Op. laud., pp. 46-49.
  6. Voir : Troisième partie, ch. II, § VI ; t. IV, p. 451.