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MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

Lévi ben Gerson, semble-t-il, ne recourt plus aucunement à l’emploi d’épicycles ; le mouvement de tout astre errant se décompose, à son gré, en un certain nombre de mouvements circulaires et uniformes qui, tous, entourent la Terre ; chacun de ces mouvements est produit par une sphère solide, en sorte qu’on attribuera à chaque planète autant d’orbes que son mouvement complexe comporte de circulations distinctes[1].

Les orbes d’un astre errant se suivent dans un certain ordre ; chaque orbe est entraîné par les mouvements de tous ceux qui le précèdent ; il y ajoute son mouvement propre ; l’astre est serti dans le dernier orbe. Ce sont là suppositions qu’Eudoxe, Calippe, Aristote avaient admises. Mais tous ces astronomes, lorsqu’ils appliquaient ces principes, rangeaient les divers orbes d’un même astre errant dans l’ordre où on les rencontre lorsqu’on marche vers le centre du Monde ; le mouvement, à leur avis, se transmettait en descendant ; il ne remontait jamais. Lévi[2] fait tout juste l’hypothèse contraire ; il veut que le mouvement se transmette toujours d’un orbe à l’orbe qui se trouve immédiatement au-dessus de lui ; c’est l’orbe le plus élevé, et non pas le plus bas, qui doit porter l’astre.

En particulier, parmi les sphères qui sont attrihuées à un même astre errant, la plus bas placée, celle qu’entourent toutes les autres, se voit chargée de transmettre le mouvement diurne à l’ensemble[3] ».

Les divers orbes d’une planète ne pourront être tous des sphères concentriques à la Terre ; la distance d’un astre errant à la Terre éprouve des changements que les variations du diamètre apparent mettent en évidence ; ces changements de diamètre apparent, Lévi les connaît fort bien ; le bâton de Jacob lui a permis d’en faire, pour la Lune, une étude précise[4].

Notre auteur admet, d’ailleurs, la possibilité de mouvements excentriques au Monde ; il repousse[5] le principe péripatéticien en vertu duquel un mouvement de rotation ne pourrait être réalisé s’il ne s’effectuait autour d’un corps fixe mis en son centre.

Partant, parmi les sphères qui sont attribuées à un même astre

  1. J. Carlebach, Op. laud., p. 43.
  2. Lévi ben Gerson, Milchamot Adonaï, livre V. ch. XXIX. — E. Renan , Op. laud., p. 635. — J. Carlebach, Op. laud., p. 43.
  3. Lévi ben Gerson, Milchamot Adonaï, livre V, ch. XXX. — E. Renan , Op. laud., p. 635. — Joannis Pici Mirandulæ Comitis Disputationes adversus astrologos, disput. VIII, cap. I. — J. Carlebach, Op. laud., p. 43.
  4. J. Carlebach, Op. laud., pp. 38-39.
  5. Lévi ben Gerson, Milchamot Adonaï, livre V, ch. XLV. — E. Renan , Op. laud., p. 636. — J. Carlebach, Op. laud., p. 42.