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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

rabbin, moins avancé que ses collègues de Paris, croit qu’il est encore nécessaire de le discuter, et c’est ce qu’il fait dans plusieurs chapitres du Milchamot Adonaï[1].

Mais s’il rejette l’Astronomie d’Al Bitrogi, ce n’est pas qu’il veuille, sans aucune réserve, donner sa confiance à l’Astronomie de Ptolémée ; bien au contraire ; contre les doctrines de la Grande Syntaxe, il accumule critique sur critique, objection sur objection ; l’opiniâtreté avec laquelle il combat les théories de l’Almageste rappelle ce livre, composé par quelque astronome hellène oublié, que Djéber ben Allah s’est approprié[2]. D’ailleurs, sur le cinquième livre des Guerres du Seigneur, l’influence des Neuf livres d’Astronomie de Géber est en une continuelle évidence ; elle se montre, en particulier, dans le souci que prend l’auteur juif d’établir cette proposition[3] : « Il n’est pas nécessaire de mettre Vénus et Mercure au-dessous du Soleil ; il semble plus probable qu’on les doive placer au-dessus du Soleil. »

À l’appui de l’hypothèse qui met Mercure et Vénus entre la Lune et le Soleil, un traité, que certains Grecs portaient au compte de Ptolémée[4], citait une présomption qui devait sembler très forte ; de cette supposition, se tirait un moyen de déterminer la distance des divers astres errants à 1a Terre ; et cette méthode, pour distance du Soleil à la Terre, redonnait ce que les procédés d’Aristarque de Samos, d’Hipparque, de Ptolémée avaient directement trouvé. Ni de cet argument ni de la théorie qui le fournit Géber n’avait soufflé mot. Tout au contraire, Lévi ben Gerson l’examine avec grand soin. Après avoir démontré[5] que Mercure et Vénus sont les seules étoiles errantes qu’on puisse placer entre la Lune et le Soleil, après avoir établi[6] comment, en leur assignant cette place, il devient possible de déterminer la distance de chaque astre à la Terre, il cherche quels changements on doit apporter aux conclusions de ce calcul, soit qu’on mette Vénus et Mercure au-dessus du Soleil[7], comme le voulait Géber, soit que, suivant

  1. Lévi ben Gerson Michamot Adonaï, livre V, ce. XL, XLIL XLIV. — Ernest Renan, Op. laud, pp. 635-636.
  2. Voir : Première partie, ch. XI, § VIII ; t. II, pp. 172-179.
  3. Lévi ben Gerson Michamot Adonaï, livre V ch. CXXXIII. — E. Renan, Op laud, p. 641.
  4. Voir : Première partie, ch. IX, § V : t. Il, pp. 39-44.
  5. Lévi ben Gerson, Michamot Adonaï, livre V, ch. CXXVIJL — E. Renan. Op laud, p. 641.
  6. Lévi ben Gerso, Michamot Adonaï, livre V, ce. CXXIX, CXXX, CXXXI et CXXXIL.
  7. Lévi ben Gerson, Michamot Adonaï, livre V, ch. CXXXIX.