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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

Milchamot Adonaï, les astronomes se servaient depuis longtemps de la chambre noire.

Toutefois, on doit attribuer, semble-t-il, au Rabbin de Bagnols, le mérite d’avoir pleinement dissipé les confusions qui avaient longtemps troublé la théorie de cet instrument. De ces confusions, nous avons sommairement retracé l’histoire[1]. Les uns, avec Roger Bacon, soutenaient que la chambre noire fournit une image dont la figure reproduit celle de l’objet lumineux ; les autres, avec Witelo, s’attachaient à rendre compte des contours arrondis que la pénombre impose à l’image, Lévi ben Gerson paraît avoir nettement discerné les deux effets. Il a commencé[2] par considérer le cas où l’ouverture est réduite à un point ; il a démontré, comme le faisait Bacon dans son Opus malus, que l’image est, dans ce cas, semblable à l’objet. Prenant ensuite le cas d’une ouverture dont les dimensions ne sont plus négligeables, il a montré que le même raisonnement se devait répéter pour chacun des points de cette ouverture ; on a donc, de l’objet lumineux, une multitude d’images qui se recouvrent seulement en parties ; si l’on reçoit ainsi les rayons du Soleil sur une fenêtre rectangulaire, l’image a la forme d’un rectangle aux coins arrondis.

De cette théorie, Lévi a déduit, pour les observations astronomiques, des règles précises que M. Carlebach résume en ces termes[3] :

« Les étoiles sont à une distance prodigieuse de la Terre ; aussi les peut-on regarder comme des points et traiter leurs rayons comme parallèles ; partant, la grandeur des images qu’elles fournissent dépend seulement de l’ouverture.

» Pour une observation d’éclipse, Léon donne la règle suivante : Prenez une ouverture circulaire ; à l’aide du bâton de Jacob, placez l’écran perpendiculairement à la direction des rayons qu’il reçoit ; prenez le plus grand diamètre de l’image de la partie éclipsée, le plus petit diamètre de l’image de l’astre éclipsé ; de l’un comme de l’autre, retranchez le diamètre du trou, car chacune des deux images se trouve accrue de cette même quantité ; le rapport des deux différences vous donnera le rapport du diamètre de l’astre entier au diamètre de la partie éclipsée. »

Léon de Bagnols, nous en avons maintenant la preuve, savait fort bien la Perspective.

  1. Voir : Seconde partie, ch. VII, note ; t. III, pp. 505-517.
  2. Joseph Carlebach, Op. laud., p. 33.
  3. J. Carlebach, loc. cit.