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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

Les doctrines astronomiques de notre auteur sont exposées au cinquième livre de son grand traité Milchamol Adonaï. Nous avons dit[1] comment les neuf chapitres où se trouve décrit le bâton de Jacob avait été extraits de l’ouvrage et traduits en latin, en 1342, sur l’ordre du pape, par Pierre d’Alexandrie. Nous avons dit aussi comment tout le cinquième livre avait reçu plus tard une version latine.

Képler connaissait sans doute de réputation ce cinquième livre du Milchamot Adonaï et souhaitait de se le procurer, car un de ses amis, Johannes Ramus, lui écrivait[2] : « Plaise à Dieu que tu puisses trouver chez les rabbins le cinquième traité des Guerres du Seigneur (Defensiones Dei) de Rabi Lévi ! »

Plus récemment., S. Munk disait[3] : « Cet ouvrage, qui devrait occuper une place dans l’histoire de l’Astronomie, mériterait un examen approfondi de la part d’un spécialiste ».

Cet examen approfondi, justement souhaité par Munk, n’a pas été fait jusqu’ici ; mais quelques renseignements sommaires l’ont préparé.

Un des manuscrits du texte hébreu conservés à la Bibliothèque Nationale, les trois manuscrits de la version latine que possèdent la Bibliothèque Vaticane et la Bibliothèque Ambrosienne de Milan ont permis à Renan de donner[4] la fable des cent trente-six chapitres qui composent ce traité astronomique.

Plus récemment, M. Joseph Carlebach a publié[5] le traité arithmétique De numeris harmonicis de Leo Hehræus : à cette publication, il a joint une étude sur Lévi ben Gerson considéré comme mathématicien ; cette étude renferme de précieux renseignements sur les doctrines astronomiques de notre rabbin. Après avoir transcrit les titres des cent trente-six chapitres astronomiques du Milchamot Adonaï, Renan disait[6] :

« Voilà donc un ouvrage de science parfaitement saine et rationnelle, quelles qu’en soient les erreurs de détail, qui éclôt, dans la première moitié du xive siècle, au sein des juiveries du midi. La cour d’Avignon, si éclairée pour le temps, en reconnaît la supériorité et se le fait traduire. Léon de Bagnols est un savant dans le sens où nous l’entendons. Il rejette les routines tradition-

  1. Tome IV, p. 40.
  2. Johannes Ramus Johanni Keplero ; Joannis Kepleri Opera. Éd. C. Frisch. T. VI, p. 66 et p. 534.
  3. S. Munk, Mélanges de Philosophie juive et arabe, p. 500.
  4. E. Renan, Op. laud., pp. 624-641.
  5. Joseph Carlebach, Lewi ben Gerson als Mathematiker, Ein Beitrag zur Geschichte der Mathematik bei den Juden. Berlin. 1910.
  6. Ernest Renan, Op. laud., p. 642.