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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

sphère a pour cause une Intelligence, ainsi qu’on l’a dit, parce que cette Intelligence est composée en ce qu’elle se pense elle-même et qu’elle pense aussi ce qui est au dehors d’elle ; de sorte qu’elle est en quelque sorte composée de deux choses, dont l’une produit l’autre Intelligence, qui est au dessous de celle-là, et dont l’autre produit la sphère ; on pourrait encore lui demander : Cette chose une et simple de laquelle émane la sphère, comment a-t-elle pu produire la sphère, puisque celle-ci est composée de deux matières et de deux formes, qui sont, d’une part, la matière et la forme de la sphère, et, d’autre part, la matière et la forme de l’astre fixe dans la sphère ? Si donc tout se passait par voie de nécessité, il nous faudrait nécessairement supposer dans cette Intelligence composée une cause également composée de deux parties dont l’une pût produire le corps de la sphère et l’autre le corps de l’astre. »

« Il est bien évident[1], par les paroles d’Aristote, qu’il désire nous présenter systématiquement l’existence des sphères, comme il l’a fait pour ce qui est ; au-dessous de la sphère céleste, de manière que tout ait lieu par une nécessité physique et non par l’intention d’un Être qui poursuit le but qu’il veut, et qui détermine les choses de telle manière qu’il lui plaît. Mais il n’y a point réussi et on n y réussira jamais…

» Il n’a réussi à rien de tout cela ; car si tout ce qu’il a exposé à l’égard des choses sublunaires est systématique, conforme à ce qui existe et dont les causes sont manifestes ; si l’on peut dire que tout y a lieu par une nécessité qui résulte du mouvement et des forces de la sphère céleste ; il n’a pu donner aucune raison évidente de tout ce qu’il a dit à l’égard de la sphère céleste ; la chose ne se présente pas sous une forme systématique, de manière qu’on puisse en soutenir la nécessité. »

« Sache[2] que selon notre opinion, à nous tous qui professons la nouveauté du Monde, tout cela est facile et marche bien d’accord avec nos principes ; car nous disons qu’il y a un Être déterminant qui, pour chaque sphère, a déterminé comme il a voulu la direction et la rapidité du mouvement : mais que nous ignorons le mode de cette Sagesse qui a fait naître telle chose de telle manière. »

En ce Moïse ben Maimoun, dont Renan voulait faire un émule d’Averroès, nous reconnaissons, d’une façon presque constante, un fidèle disciple d’Al Gazâli ; disciple du philosophe Al Gazâli

  1. Moïse Maïmonide, Op. laud., Deuxième partie, ch. XIX ; éd. cit., t. II, pp. 152-154.
  2. Moïse Maïmonide, loc. cit., p. 159.