Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

se peut pas que l’intellect en acte soit une chose et son action une autre chose ; car le véritable être de l’intellect, c’est la conception[1]… D’où il s’ensuit que l’intellect, l’opération intellectuelle et l’intelligible sont toujours une seule et même chose toutes les fois qu’il s’agit d’une pensée en acte, »

Ce passage de l’intelligence en puissance à l’intelligence en acte résulte de l’action exercée par l’Intelligence active, qui n’est point multiple et logée en des corps divers, comme les intelligences hyliques, mais unique[2] et détachée de tout corps[3].

Pour que l’Intelligence active puisse faire passer à l’acte l’intelligence hylique, il faut qu’elle trouve une matière préparée à recevoir son épanchement : selon donc que l’âme rationnelle sera ou ne sera pas convenablement disposée[4], elle recevra ou ne recevra pas l’influence de l’intelligence active, elle passera ou ne passera pas à l’état d’intelligence en acte ; cette intermittence, cependant, ne sera nullement du fait de l’Intelligence active, qui demeure toujours identique à elle même.

Suivant le degré de préparation de son âme rationnelle, l’homme reçoit une part plus ou moins grande de cet épanchement, en sorte qu’il s’élève plus ou moins en perfection ; car c’est la perfection de l’homme « de devenir[5] intelligence en acte, de sorte que, par cette perfection, il ait, de tout ce qui existe, la connaissance que l’homme peut avoir. » « La véritable perfection humaine[6], en effet, consiste à acquérir les vertus intellectuelles, c’est-à-dire à concevoir des choses intelligibles qui puissent nous donner des idées même sur les sujets métaphysiques. C’est là la fin dernière de l’homme, qui donne à l’individu humain une véritable perfection.

L’épanchement qu’un homme reçoit de l’Intelligence active[7] peut être simplement suffisant pour lui faire atteindre la perfection individuelle ; mais il peut aussi être surabondant pour cet objet ; il stimule alors le savant qui a, pour son propre compte, atteint la

  1. Munk (ibid) a traduit : la perception.
  2. Moïse Maïmonide, Op. laud., Première partie, ch. LXX ; éd. cit., t. I, p. 328.
  3. Moïse Maïmonide, Op. laud., Première partie, ch. LXXII ; éd. cit., t. I, p. 373.
  4. Moïse Maïmonide, Op. laud., Seconde partie, ch. XVIII ; éd. cit., t. II, pp. 138-139.
  5. Moïse Maïmonide, Op. laud., Troisième partie, ch. XXVII ; éd. cit., t. III, p. 212.
  6. Moïse Maïmonide, Op. laud., Troisième partie, ch. LIV ; éd. cit., t. III, pp. 461-462.
  7. Moïse Maïmonide, Op. laud., Deuxième partie, ch. XXXVII ; éd. cit., t. II, pp. 292-293.