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MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

génération et à la corruption, quel est l’agent qui donne la forme ? « L’efficient de la forme est une chose non susceptible de division, car son action est de la même espèce que lui ; il est donc évident que l’efficient de la forme, je veux dire ce qui la donne, est nécessairement une forme, et celle-ci est une forme séparée. Il est inadmissible que cet efficient, qui est incorporel, produise son impression par suite d’un certain rapport. En effet, n’étant point un corps, il ne saurait ni s’approcher ni s’éloigner, ni aucun corps ne saurait s’approcher ou s’éloigner de lui ; car il n’existe pas de rapport de distance entre le corporel et l’incorporel. Il suit nécessairement de là que l’absence de cette action a pour cause le manque de disposition de telle matière pour recevoir l’action de l’être séparé. »

D’où viendra cette disposition ? D’abord du mélange. En se mélangeant entre eux en diverses proportions, les éléments engendrent des mixtes disposés à recevoir telle influence et non pas telle autre, ou à subir avec plus ou moins d’intensité une influence donnée.

Les actions mutuelles des corps contribueront aussi à cette disposition de la matière. « L’action que les corps élémentaires, en vertu de leurs formes particulières, exercent les uns sur les autres a pour résultat de disposer les différentes matières à recevoir l’action de ce qui est incorporel, c’est-à-dire les actions qui sont les formes. » Dans la matière ainsi préparée, les formes seront imprimées par l’intelligence séparée qui est chargée de répandre l’épanchement divin au sein du monde de la génération et de la corruption.

Selon la nature et le degré de la préparation qu’elle a subie, la matière participera dans une mesure différente à cet épanchement. L’action de cette Intelligence s’exerce d’une manière absolument uniforme : « Aucune force ne lui arrive d’un certain côté ni d’une certaine distance, et sa force n’arrive pas non plus ailleurs par un côte déterminé, ni à une distance déterminée, ni dans un temps plutôt que dans un autre temps ; au contraire son action est perpétuelle, et toutes les fois qu’une chose a été disposée, elle reçoit cette action toujours existante qu’on a désignée par le mot épanchement. »

En tout cela, nous reconnaissons un développement de pensées que la Philosophie d’Al Gazâli avait déjà exposées, alors qu’elle méditait « la fleur des choses divines », sous la continuelle inspiration du Livre des Causes.