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MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

tures, la peut recevoir, à condition de mettre au nombre des anges les Intelligences qui meuvent les sphères[1], il n’ignore pas, cependant, qu’à la Métaphysique d’Aristote, le fils d’Israël est tenu d’apporter une modification[2] :

« En ce qu’Aristote a dit de tout cela, il n’y a rien non plus qui soit en contradiction avec la Loi. Mais ce qui nous est contraire dans tout cela, c’est que lui, il croit que toutes ces choses sont éternelles et que ce sont des choses qui par nécessité viennent ainsi de Dieu, tandis que nous, nous croyons que tout cela est créé, que Dieu a créé les Intelligences séparées et a mis dans la sphère céleste une faculté de désir qui l’attire vers elles, que c’est Dieu, en un mot, qui a créé les Intelligences et les sphères, et qui y a mis ces facultés directrices. C’est en cela que nous sommes en contradiction avec lui. »

Or, au lieu de regarder les orbes célestes et leurs Intelligences motrices comme des êtres non seulement éternels, mais nécessaires et existant par eux-mêmes, admettre que ces êtres tiennent leur existence de l’opération créatrice de Dieu, ce n’est pas apporter au Péripatétisme une modification de détail ; lors même qu’on accorderait l’éternité aux sphères et à leurs Intelligences, ou porte à la Métaphysique d’Aristote un coup qui renverse un des piliers fondamentaux et qui ruine tout l’édifice.

Par l’influx qui émane de Dieu, le bien se répand de créature en créature, depuis le premier créé jusqu’à l’être qui se trouve au plus bas degré de la création ; l’étude de cette divine influence était le principal objet du Livre des Causes dont tous les philosophes musulmans ont médité l’enseignement. Moïse Maïmonide n’a garde de manquer à suivre cet exemple que lui ont donné les savants de l’Islam ; il consacre de longues pages à décrire comment se répand sur les créatures le régime de Dieu on l’épanchement (feïdh) de sa bonté.

« Le régime[3] descend de Dieu sur les Intelligences, selon leur ordre successif ; les Intelligences, de ce quelles ont reçu elles-mêmes, épanchent des bienfaits et des lumières sur les corps des sphères célestes : et les corps, enfin, épanchent des forces et des bienfaits sur ce corps qui naît et périt, lui communiquant ce qu’elles ont reçu de plus fort de leurs principes.

  1. Moïse Maïmonide, Op. laud., Deuxième partie, chapitres V, VI et VII ; éd. cit., t. II, pp. 62-77.
  2. Moïse Maïmonide, Op. laud., Deuxième partie, ch. VI ; éd. cit., t. II, p. 75.
  3. Moïse Maïmonide, Op. laud., Deuxième partie, ch. XI ; éd. cit., t. II, pp. 95-96.