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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

l’Intellect actif et par lequel nous percevons ce dernier, est h’ même ([lie le rôle de l’intellect existant en chaque sphère, intellect qui est émané de l’Intelligence séparée, et par lequel la sphère perçoit l’Intelligence séparée, la conçoit, désire s’assimiler à elle, et arrive ainsi au mouvement.

» Il s’ensuit aussi… que Dieu ne fait pas les choses par contact ; quand (par exemple), il brûle, c’est par l’intermédiaire du feu, et celui-ci est mû par l’intermédiaire du mouvement de la sphère céleste, laquelle à son tour est mue par l’intermédiaire d’une Intelligence séparée. Les Intelligences sont donc les anges qui approchent (de Dieu), et par l’intermédiaire desquels les sphères sont mises en mouvement…

» C’est Dieu qui a produit la première Intelligence, laquelle met en mouvement la première sphère, de la manière que nous avons exposée. L’Intelligence qui met en mouvement la deuxième sphère n’a pour cause et pour principe que la première Intelligence, et ainsi de suite ; de sorte que l’Intelligence qui met en mouvement la sphère la plus voisine de nous est la cause et le principe de l’Intellect actif. Celui-ci est la dernière des Intelligences séparées, de même que les corps, commençant par la sphère supérieure, finissent par les éléments et par ce qui se compose de ceux-ci.

» On ne saurait admettre que l’Intelligence qui met en mouvement la sphère supérieure soit elle-même l’Être nécessaire ; comme, en effet, elle a quelque chose de commun avec les autres Intelligences, à savoir la mise en mouvement des corps, et que toutes, elles se distinguent les unes des autres par une autre chose, chacune des dix est composée de deux choses, et, par conséquent, il faut qu’il y ait une Cause première pour le tout. »

Au cours de cette exposition, Maïmonide a cité à plusieurs reprises le nom d’Aristote, comme si les idées qu’il présentait étaient celles du Philosophe. Il conclut en ces termes : « Telles sont les paroles d’Aristote et son opinion. Les preuves sur ces choses ont été exposées, autant qu’elle peuvent l’être, dans les livres de ses successeurs. » Ces livres des successeurs d’Aristote, c’est-à-dire d’Al Fârâbi, d’Ibn Sinâ et d’Al Gazâli, sont, en réalité, les sources auxquelles Rabbi Moïse a puisé : dans son discours, on reconnaît sans peine, presque textuellement reproduits, des passages de la Métaphysique d’Avicenne et de la Philosophie d’Al Gazâli.

D’ailleurs, si Maïmonide croit que toute cette théorie des moteurs célestes est d’Aristote ; s’il pense qu’un Juif, respectueux des Écri-