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MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

ces propositions-là, aucun Péripatéticien authentique, fidèle à la véritable doctrine d’Aristote, ne les eût admises.

N’est-ce pas, en effet, la substance même de l’enseignement d’Avicenne et d’Al Gazâli que nous reconnaissons en lisant les axiomes suivants ?

« Dix-neuvième proposition[1]. — Toute chose dont l’existence a. une cause est, par rapport à sa propre essence, d’une existence possible ; car, si ses causes sont présentes, elles existera ; mais si elles n’ont jamais été présentes, ou si elles ont disparu ou, enfin, si le rapport qui rendait nécessaire l’existence de la chose est changé, elle n’existera pas.

» Vingtième proposition. — Tout ce qui est d’une existence nécessaire, par rapport à sa propre essence, ne tient son existence, en aucune façon, d’une cause quelconque.

» Vingt-et-unième proposition. — Tout ce qui est un composé de deux idées différentes a nécessairement, dans cette composition même, la cause (immédiate) de son existence telle qu’elle est, et, par conséquent, n’est pas, en lui-même, d’une existence nécessaire ; car il existe par l’existence de ses deux parties et de leur composition.

» Vingt-deuxième proposition. — Tout corps est nécessairement composé de deux idées différentes et est nécessairement affecté d’accidents. Les deux idées qui en constituent l’être sont sa matière et sa forme ; les accidents qui l’affectent sont la quantité, la figure et la situation.

» Vingt-troisième proposition. — Tout ce qui est en puissance, de manière à avoir dans son essence même une certaine possibilité, peut, à un certain moment, ne pas exister en acte.

» Vingt-quatrième proposition. — Tout ce qui est une chose quelconque en puissance a nécessairement une matière ; car la possibilité est toujours dans la matière.

» Vingt-cinquième proposition. — Les principes de la substance composée sont la matière et la forme, et il faut nécessairement un agent, c’est-à-dire un moteur, qui ait mû le substratum afin de le disposera recevoir la forme. »

Dans ces propositions, la cause, c’est ce qui donne l’être, c’est la cause créatrice telle que les Néo-platoniciens l’ont conçue, cette cause en laquelle Averroès refusait très justement de reconnaître aucune des quatre causes définies par Aristote ; la possibilité, la matière y sont ce qu’Avicenne et Al Gazâli enten-

  1. Moïse Maimonide, loc. cit, ; éd. cit., t. II, pp. 18-22.