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LA KABBALE

encore que le Néo-platonisme des Hellènes et des Arabes ; dans l’âme de l’homme elle a distingué un nombre plus grand encore de parties distinctes, et elle les a supposées plus complètement dissociables. Dans le second travers, elle a également donné, bien que d’autre manière : elle n’a pas enseigné, du moins explicitement, que toutes les âmes humaines se venaient confondre en une âme unique, mais elle a voulu que les âmes de deux ou trois hommes différents pussent, soudées entre elles, cohabiter dans un même corps.

Ce sera le propre de la Théologie catholique de lutter contre ces doctrines et de défendre l’individualité comme l’indépendance de la personne humaine ; au xiiie siècle, au xive siècle, nous la verrons condamner tantôt ceux qui tentent de superposer, en un même homme, plusieurs âmes distinctes, et tantôt ceux qui cherchent à réunir toutes les raisons humaines dans une seule Intelligence active. Elle se séparera, par cette double lutte, de tous les Néo-platonismes.


XII
CONCLUSION

Ce que nous avons exposé de la doctrine kabbalistique n’en est, peut-on dire, que le squelette ; pour reproduire exactement ce que fut cette doctrine, il faudrait recouvrir ce squelette d’une chair opulente : aux auteurs du Zohar, il faudrait emprunter la fécondité tout orientale de leur imagination et revêtir d’ornements somptueux, aux chatoyantes complications, les enseignements que nous avons présentés avec sécheresse. Sur ces enseignements, nous verrions alors se greffer de nouvelles théories où la pensée philosophique s’enveloppe du mystère des symboles et du charme de la poésie ; telle est la théorie des dix Sephiroth, qui tient si grande place dans la Kabbale, et dont nous n’avons soufflé mot.

Entre la philosophie kabbalistique, dont nous avons tenté de mettre à nu les idées essentielles, et d’autres philosophies, certaines ressemblances sautent aux yeux les moins clairvoyants. Telle théorie du Zohar est toute semblable à une théorie correspondante développée par le Néo-platonisme hellénique ou latin ; ainsi on est-il, par exemple, de la théorie des quatre éléments et de leurs combinaisons. Certains enseignements des rabbins imitent