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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

l’image s’associe à elle et croît avec elle… Les jours de dépendent de cette image. »

En effet, trente jours avant la mort, nous l’avons vu[1], la neschamah délaisse le moribond et, en même temps, l’homme perd sa figure.

Après la mort de l’homme, que devient cette figure ? Sans doute, elle retourne dans le Monde supérieur où elle se tient au-dessus de la neschamah comme elle le faisait avant que celle-ci ne descendit sur la terre. Il n’est exception à cette règle que pour l’homme qu’un acte de colère a voué aux démons : « Quand un tel homme approche de sa fin[2], le mauvais esprit qui s’était attaché à lui chaque jour vient et s’empare de l’image céleste dont son âme était accompagnée dès l’heure où il avait été conçu dans le sein de sa mère. L’esprit emporte cette image et l’homme en reste privé pour toute l’éternité. Quand son âme privée de l’image quitte le corps, tous les êtres célestes en concluent qu’elle est repoussée de partout. »

L’image ou figure de l’homme dont nous parlent ces textes-là est peut-être identique à la force céleste auquel celui-ci[3] fait allusion :

« Les forces célestes sont pour les âmes ce que les âmes sont ici-bas pour les corps. Les âmes, à leur retour dans la région céleste, seront animées de forces célestes aussi supérieures à elles qu’elles-mêmes l’étaient aux corps. »

Si ce rapprochement est fondé, il jette quelque jour sur la mystérieuse nature de l’image. Rappelons-nous, en effet, que ces forces célestes supérieures aux âmes sont, pour le Zohar[4], des anges ; l’image, alors, nous apparaîtra comme une sorte d’ange gardien préposé à chaque homme.

Tout ce que le Néo-platonisme des Hellènes et des Arabes a dit de l’âme humaine nous surprend par deux caractères ; cette doctrine ne tient aucun compte de l’individualité humaine, car elle morcelle l’âme de chacun de nous et la compose de plusieurs âmes plus ou moins séparables ; cette doctrine ne tient aucun compte de l’irréductible indépendance de chaque individu humain, car elle fond les raisons des hommes divers dans une seule Intelligence active.

Dans le premier travers, la kabbale s’est jetée plus pleinement

  1. Vide supra, p. 153.
  2. Zohar, III, fol. 43a ; t. V, p. 120.
  3. Zohar, I, fol. 186b ; t. II, p. 337.
  4. Vide supra, p. 117.