Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
161
LA KABBALE

toutes ces puissances génératrices ; en même temps, son véhicule se dépouille de tous les manteaux matériels qu’il avait revêtus, il revient à sa forme première : ainsi l’état de ce véhicule correspond toujours à celui de l’âme qu’il porte. »

Pendant la vie de l’âme ici-bas, nous voyons le corps changer de grandeur et de figure : gardons-nous d’attribuer ces changements au véhicule[1]. « Le véhicule apparenté à une âme a toujours même grandeur et même figure. S’il paraît tantôt plus grand et tantôt plus petit, si sa figure ne reste pas semblable à elle-même, cela provient de corps étrangers qui s’unissent à lui ou s’en séparent. Puisqu’il tient son essence d’une cause immobile, il est évident que sa grandeur et sa figure lui sont également assignées par cette cause, et que l’une et l’autre sont invariables… Si donc il nous paraît tantôt de telle figure et tantôt de telle autre, tantôt de telle grandeur et tantôt de telle autre, c’est par l’effet de corps étrangers que les éléments matériels lui adjoignent, puis lui enlèvent. »

De cette théorie de Proclus, se rapprochent maints passages du Zohar, soit de ceux que nous venons de commenter, soit de ceux qu’il nous faut maintenant étudier.

De la théorie kabbalistique de l’âme humaine, nous avons retracé les traits principaux ; à cette esquisse, il faudrait maintenant, pour être complet, ajouter une foule de détails ; parmi ces détails, il en est un bon nombre qui ont pour objet d’expliquer certaines prescriptions religieuses de la Loi, tels les préceptes relatifs au lévirat ; il en est aussi qui viennent compliquer encore le système formé par le nephesch, le rouah et la neschamah.

De ces complications, l’une des plus étranges est expliquée dans le passage suivant[2] :

« Toutes les âmes saintes et supérieures que le Saint (béni soit-il !) a destinées à descendre en ce bas monde, en attendant l’heure fixée pour la descente, quittent, à des époques déterminées, la région supérieure qui est leur résidence, et descendent dans le Paradis pour s’y délecter. Là elles rencontrent les âmes des prosélytes ainsi que d’autres âmes inférieures, lesquelles, une fois revenues de la terre, ne peuvent s’élever plus haut que le Paradis. Les âmes supérieures s’emparent alors de ces âmes et s’en font des enveloppes. Chaque âme supérieure se trouve enveloppée, comme d’un habit, d’une âme inférieure. Cependant, elle

  1. Procli Op. laud., CCX ; éd. 1822, pp. 314-315 ; éd. 1855, p. CXVII.
  2. Zohar, II, fol. 98b ; t. III, pp. 396-397.