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LA KABBALE

devait disputer avec tant d’ardeur, il usait d’un langage emprunte au Péripatétisme pour exprimer une pensée néo-platonicienne : c’est cette même pensée que les Kahbalistes formulaient, mais dans une langue moins précise et plus imagée.

Les trois âmes qui se superposent en l’homme ne sont pas si étroitement unies quelles ne se puissent dissocier même au cours de la vie.

« L’âme sainte (neschamah) se retire de l’homme trente jours avant la mort[1]… Qu’on ne croie pas que c’est seulement lorsque l’homme est mort que l’âme s’en sépare ; elle s’en sépare pendant qu’il est encore on vie ; l’âme ne prête plus sa lumière à l’esprit intellectuel et celui-ci ne prête plus sa lumière à l’esprit vital ; de là vient que l’homme perd son visage, parce qu’il n’est plus éclairé par l’âme… L’âme s’en retire, et du moment que l’esprit intellectuel n’éclaire plus l’esprit vital, celui-ci faiblit et le corps perd l’appétit ainsi que les autres désirs…

» Toutes les fois que l’homme tombe malade, la neschamah se sépare de lui, et le rouah cesse d’éclairer le nephesch jusqu’à ce que cet homme ait été jugé. Si l’homme se trouve digne, l’âme retourne à sa place et prête de nouveau sa lumière au corps : sinon l’âme reste séparée du corps pendant les trente jours qui précèdent la mort, et l’homme perd son image… Aucun malade ne guérit sans avoir été, au préalable, jugé en haut, »

Il ne faut pas croire, d’ailleurs, que tout homme possède les trois âmes ; seuls, les prédestinés atteignent à ce degré de perfection.

« L’âme[2] est formée de trois degrés ; et c’est pour cela qu’à l’exemple du mystère suprême, elle a trois noms : nephesch, rouah neschamah.

» Nephesch est le degré le plus infime de tous ; rouah est un degré au-dessus de nephesch, pour dominer l’autre ; neschamah est le degré qui est au-dessus des autres et qui les domine ; c’est le degré sacré qui est au-dessus des autres.

» Ces trois degrés se trouvent chez les hommes qui ont mérité pour avoir servi leur Maître.

» D’abord, l’homme possède le nephesch qui le prépare à mener une vie sainte.

» Si l’homme s’en sert pour mener une bonne vie, on le gratifie du rouah, qui est un degré sacré au-dessus du nephesch et qui est aceordé aux hommes de mérite.

  1. Zohar, I, fol. 227a ; t. II, pp. 494-495.
  2. Zohar, I, fol. 206a ; t. II, p. 424.