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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

« L’Âme humaine, dit le Zohar[1], est désignée sous trois noms : Esprit vital (nephesch), esprit intellectuel (rouah) et âme (neschamah). Toutes les parties de l’âme se tiennent ensemble, bien que chacune d’elles réside dans une région différente du corps… Les trois parties de l’âme sont formées à l’exemple des Trois d’en haut, qui ne forment qu’une unité, Nephesch n’a point de lumière propre ; il a cela de commun avec le corps ; il ne sert celui-ci que pour le délecter et le nourrir… Rouah domine et éclaire nephesch ; celui-ci sert de piédestal à celui-là. Neschamah domine rouah et l’éclaire de lumière vivifiante. Voilà comment les trois parties de l’âme se tiennent ensemble à l’exemple d’en haut. »

« De même qu’il y a une hiérarchie dans le sacerdoce[2], il y en a également une dans l’esprit de l’homme. D’abord, il y a l’âme proprement dite  ; ensuite, il y a l’esprit intellectuel (rouah) ; enfin, il y a l’esprit vital (nephesch). L’âme doit dominer sur l’esprit intellectuel et celui-ci sur l’esprit vital. »

Lorsqu’Avicébron veut unir entre elles deux substances dont l’une est plus élevée que l’autre, il donne à la plus haute le nom de forme et à la plus basse le nom de matière ; pour les Péripatéticiens, d’ailleurs, et, en particulier, pour la Théologie d’Aristote, la matière est à l’égard de la forme comme la femelle à l’égard du mâle ; de même, dans la hiérarchie des substances, chaque terme, au gré des Kabbalistes, est uni au terme inférieur comme le mâle à la femelle ; ainsi en est-il de la neschamah à l’égard du rouah, du rouah à l’égard du nephesch.

« L’âme (neschamah), dit le Zohar[3], émane d’une région supérieure et l’esprit intellectuel (rouah) d’une légion inférieure ; ils s’unissent ensemble à la façon de l’union du mâle et de la femelle, et ce n’est qu’unis ensemble qu’ils luisent et qu’ils reflètent la lumière supérieure. Lorsqu’ils sont unis, ils sont appelés lumière (ner)…

» L’âme et l’esprit, voilà le mâle et la femelle ; ils ne projettent de lumière que quand ils sont unis : séparés, ils n’ont point de lumière et ne portent pas le ner. »

Lorsqu’Avicébron plaçait dans l’homme trois âmes dont chacune jouait le rôle de forme à l’égard de celle qui se trouvait au-dessous d’elle, dont la plus humble était, à son tour, la forme du corps : lorsque le Rabbin de Malaga inaugurait ainsi la théorie de la superposition des formes substantielles, dont la Chrétienté latine

  1. Zohar, II, foll. 141b et 142a ; t. IV, pp. 48-49.
  2. Zohar, II, foll. 95b et 95b ; t. III, p. 383.
  3. Zohar, II, fol. 99b ; t. III, p. 401.