Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
LA KABBALE

chaîne fermée où chacun des maillons s’unit par une qualité commune à celui qui le suit ; cette pensée, que les Alchimistes du Moyen Âge reprendront avec une constante faveur, est clairement exprimée par le Zohar :

« L’Ouest, qui est la région de l’élément de la terre[1], est chaud et humide, de sorte qu’il s’unit par son côté humide au Nord, qui est froid et humide ; car l’humide s’unit à l’humide ; voilà comment le Nord s’unit à l’Ouest d’un côté. Le Sud, qui est chaud et sec, s’unit par la chaleur à la chaleur de l’Ouest. Voilà donc l’Ouest uni aux deux côtés, au Nord et au Sud. Le Sud s’unit également à l’Est, parce que le Sud étant sec, sa sécheresse s’unit à la sécheresse de l’Est. L’Est s’unit également au Nord par son côté froid : le froid de l’Est s’unit au froid du Nord. De cette façon, nous trouvons l’union du Sud et de l’Est, de l’Est et du Nord, du Nord et de l’Ouest, de l’Ouest et du Sud ; par leurs points d’affinité, les quatre points cardinaux se trouvent ainsi liés ensemble.

» Remarquez que le feu, l’air, l’eau et la terre sont liés l’un à l’autre sans aucune séparation. »

Pour les Kabbalistes, d’ailleurs, comme pour Aristote, les éléments se peuvent transmuer l’un en l’autre. « L’eau, disent-ils[2], provient de l’air, l’air du feu et le feu de l’eau ; ainsi les trois éléments, différents en apparence, ne sont qu’un au fond ». Et encore[3] : « L’air procède de l’eau et l’eau procède de l’air : tous deux ne font qu’un et, pourtant, ils sont deux. »

Au gré d’Aristote[4], l’existence d’une qualité commune, d’un symbole, favorisait la transformation de deux éléments l’un dans l’autre ; le faux Ocellus[5] et Chalcidius[6] avaient fortement insisté sur cette pensée à laquelle les auteurs du Zohar ne semblent point s’être arrêtés.

De même qu’il y a quatre éléments, il y a quatre métaux auxquels la Kabbale attribue une importance primordiale ; ce sont[7] : « l’or, l’argent, le cuivre et le fer. » Ces quatre métaux sont formés, par voie de combinaison, à partir des quatre éléments.

Il y a quelque confusion dans ce que le Zohar nous enseigne de

  1. Dans le texte, les qualités ont été constamment transposées ; nous les avons rétablies à leur place véritable.
  2. Zohar, I, fol. 31a ; t. I, p. 194.
  3. Zohar, II, fol. 81a ; t. III, p. 339.
  4. T. II, pp. 423-424.
  5. T. II, p. 425.
  6. T. II, pp. 421-422.
  7. Zohar, II, fol. 23b ; t. III, p. 118.