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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

séparées. » Peut-être faut-il conclure de là que l’Astronomie kabbalistique logeait le Soleil et la Lune au sein d’un moine firmament ; elle ne pouvait, alors, regarder ce firmament comme un orbe rigide entraînant dans sa course les astres qui s’y trouvent sertis.

Un passage du Zohar semble donner, au sujet des divers cieux, un enseignement différent de celui que nous venons d’entendre ; cet enseignement paraît conforme à celui qui, au témoignage d’Origène[1], s’était répandu dans l’École d’Alexandrie aussitôt après Ptolémée. Rabbi Abba, dans la bouche de qui cet enseignement est placé par le Zohar, aurait mis dans le huitième ciel la multitude des étoiles fixes : du neuvième ciel, il n’aurait plus fait le mystérieux ciel des Hayoth, mais une sphère sans astre chargée de communiquer par entraînement le mouvement diurne à toutes les autres ; au-dessus de ce neuvième ciel, serait le Firmament ; c’est peut-être ainsi qu’il faut interpréter le texte suivant[2] :

» Rabbi Abba dit : Il y a cieux et cieux ; il y a des cieux en bas, au-dessous desquels il existe une terre, et il va des cieux en haut, au-dessous desquels existe également une terre. Tous les degrés d’en haut et d’en bas sont ainsi formés. Les dix rideaux du Tabernacle sont l’emblème des cieux d’ici-bas

» Le Saint (béni soit-il 1) forma ces cieux et les légions d’anges qui les peuplent pour gouverner la Terre qui se trouve au-dessous d’eux.

» Le neuvième ciel conduit les astres qui sont au-dessous de lui et qui gravitent autour de lui, car ils sont tirés par lui à l’exemple d’un char tiré par son attelage.

» Le dixième ciel est le plus important.

» Dans tous les cieux, il y a des légions d’anges, excepté à partir du septième où se répand la lumière émanée du Trône suprême. Cette lumière éclaire d’abord le dixième ciel ; celui ci la transmet au neuvième qui est au-dessous de lui ; le neuvième la transmet au huitième, et ainsi de suite.

» C’est au huitième ciel que les étoiles sont comptées et reçoivent la lumière qui est proportionnée à chacune. »

Au cours du Zohar, ces lignes sont les seules où l’on puisse, moyennant quelque complaisance, retrouver des pensées conformes à celles que professaient les astronomes au temps où les Kabbalistes écrivaient.

  1. Voir tome II, pp. 191-193.
  2. Zohar, II, fol. 209a ; t. IV. pp. 216-216.