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LA KABBALE

Cette Colonne du milieu, ce Verbe, cet Élohim qui, unissant le Roi suprême à la céleste Épouse, relie le Monde de la matière au Monde idéal et, partant, fait écouler ici-bas les bénédictions d’en haut, la Kabbale lui donne souvent le titre de Juste.

« Lorsque le Saint (béni soit-il !) créa le Monde, dit le Zohar[1], il le fonda sur une Colonne dont le nom est Juste. C’est ce Juste qui est la base du Monde et qui accorde la nourriture à toutes les créatures, ainsi qu’il est écrit : « Et le fleuve sort de l’Éden pour arroser le Jardin. »… Ces paroles désignent le Juste qui répand la nourriture dans le Monde… Remarquez qu’il s’agit de la nourriture spirituelle que le Royaume du Ciel accorde aux pauvres qui en manquent… Le Juste est l’administrateur de la charité du Royaume du Ciel, car c’est lui qui la distribue à tous…

» Le Règne d’en haut répand ses bénédictions sur la Communauté d’Israël ou ouvrant les sources de la région jubilaire. Or ces bénédictions n’arrivent dans le Monde d’ici-bas que par l’intermédiaire d’un Juste qui, seul, donne à manger et à boire à la Communauté d’Israël ; c’est à ce Juste que toutes les créatures demandent leur nourriture. »

Le Verbe, le Juste, réside tout particulièrement dans le Firmament, où il unit le Monde idéal, la lumière mâle, avec le Monde matériel, avec la lumière femelle.

« L’holocauste[2] monte de la femelle au mêle ; car à partir du Juste, en haut, tout est mâle ; et à partir du Juste, en bas, tout est femelle. »

Au Juste, le Zohar donne encore un autre nom ; il l’appelle l’Homme d’en haut ou, tout simplement, l’Homme.

Dans sa personne, en effet, l’homme réunit le Monde d’en haut avec le Monde d’en bas ; son corps est une portion de matière et son âme, nous le verrons, contient une étincelle de la Lumière suprême ; par là, donc, l’homme est l’image du Verbe ; par là, le nom d’Homme supérieur (Adam Haâ) ou d’Homme primitif (Adam Kadmôn) peut être justement appliqué au Verbe.

Aussi l’Idra rabba nous dit-elle[3] :

« Et maintenant, dirigez vos idées sur la Petite Figure et méditez sur la sagesse suprême à l’aide de laquelle la Grande Figure se métamorphose en Petite Figure. Représentez-vous l’essence de celle-ci comme venant d’ici et de là, c’est-à-dire composée de ciel et de terre, de divin et d’humain, d’immatériel et de matériel, tel

  1. Zohar, I, foi. 208a et 208b ; t. II, pp. 433-435.
  2. Zohar, 1, fol. 246a et 246b ; t. II, p. 574.
  3. Zohar, III, fol. 135 » ; t. V, pp. 354-355.