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LA KABBALE

» Le Point suprême projetait une lumière immense d’une telle limpidité, d’une telle transparence et d’une telle subtilité qu’elle pénétra partout. De cette façon se forma autour de ce point un palais qui lui servit de vêtement. » Par ce premier palais, le Zohar entend évidemment le monde idéal. « La lumière du Point suprême étant d’une subtilité inconcevable, celle du palais qui lui est inférieur forme ainsi un cercle autour de lui.

« Mais la lumière du premier palais, bien qu’inférieure à celle du Point suprême, était cependant d’une splendeur immense : elle a fini par former, autour de ce palais, un autre palais qui lui sert en quelque sorte de vêtement, et ainsi de suite.

» Ainsi, à partir du Point suprême, toutes les échelles de la création ne sont que des enveloppes les unes aux autres : l’enveloppe de l’échelon supérieur forme le cerveau de l’échelon inférieur. »

Dans la hiérarchie des substances, qui entourent le Point mystérieux, toute substance plus parfaite et plus voisine du centre, dit le Zohar, est le cerveau d un e substance moins parfaite, et celle-ci sert d enveloppe à la substance plus parfaite. Ibn Gabirol eût dit que la substance plus parfaite est la forme de la substance moins parfaite, et que celle-ci est la matière de celle-là. Bien souvent, les Kabbalistes usent d’un langage fort semblable à celui d’Avicébron : de deux substances qui se succèdent dans la hiérarchie des êtres, ils disent que la plus élevée est l’âme ou l’esprit de la plus basse et que celle-ci est le corps de la plus haute. C’est ce qu’exprime, en particulier, le passage suivant[1] :

« Le Saint (béni soit-il !) fit l’homme ici-bas exactement sur le modèle de la Gloire suprême d’en haut. Or la Gloire d’en haut a un Esprit de l’esprit et une Âme de l’âme, jusqu’à ce qu’elle arrive à la région d’ici-bas qui est appelée corps (gomph). Un esprit qui émane de la Source de vie pénètre dans la région appelée corps et lui procure tout bien, toute nourriture et tout ce dont il a besoin. De même, l’homme, ici-bas, est appelé corps (gomph), et l’esprit qui le domine émane de l’Esprit d’en haut. Mais comme l’Esprit d’en haut est composé de plusieurs degrés, dont chacun est considéré comme l’esprit de l’autre, il s’ensuit que ce qui, pour l’homme, est esprit, est chair pour la Gloire d’en haut. »

Mohammed al Schahrastâni, dans son Histoire des sectes religieuses et philosophiques, parle des doctrines d’Empédocle[2]. Le livre

  1. Zohar, II. fol. 156b et fol. 157a ; t. IV, pp. 89-90.
  2. S. Munk, Mélanges de philosophie juive et arabe ; Paris, 1859, pp. 242-245.