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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

« Dans toutes les étoiles et dans tous les corps célestes[1], il y a des anges chargés de régir le monde d’une manière convenable, et il n’y a pas une plante sur la terre qui n’ait son régisseur dans quelque étoile ou corps céleste. Chaque étoile, à son tour, est placée sous les ordres d’un chef céleste qui la régit de manière convenable. Toutes les étoiles du firmament sont au service de ce bas monde ; et il n’y aurait ni plante ni arbre ni herbe sans les étoiles qui se regardent avec la terre, face à face.

« Le Saint (béni soit-il !) forma les cieux[2] [les cieux immatériels et les cieux matériels] et les légions d’anges qui les peuplent pour gouverner la terre qui est au-dessous d’eux…

» Dans chaque ciel [visible], il y a un chef chargé du gouvernement du monde et de la terre… Dans chaque ciel, il y a des chefs qui gouvernent le monde. Le chef gouvernant un ciel donne sa puissance au ciel, de sorte que tout ce que le ciel donne à la terre vient du chef ; le ciel ne sert que d’intermédiaire. Quant au chef, il prend en haut ce qu’il donne au monde par l’intermédiaire du ciel. »

Ainsi le gouvernement du monde terrestre se fait par une suite d’êtres qui s’échelonnent les uns au dessous des autres. Un chef qui réside au sein du monde immatériel transmet l’ordre à l’ange préposé à quelque corps céleste ; et, à cet ange, le corps céleste qu’il régit sert d’instrument pour accomplir, sur la terre, l’œuvre dont il est chargé.

Ce sont pensées toutes semblables à celles que Proclus développait dans son Institution théologique.

Les auteurs du Zohar, d’ailleurs, rappellent sans cesse les Néoplatoniciens hellènes par le soin qu’ils prennent de construire de longues et savantes hiérarchies sur les degrés desquelles les divers êtres se viennent placer.

« En tout être, disent les Kabbalistes[3], le cerveau est au milieu de plusieurs enveloppes qui l’entourent. Le monde entier est formé de cette façon, en haut aussi bien qu’en bas. À partir du mystérieux Point suprême jusqu’au plus intime degré de la création, tout sert de vêtement à quelque autre chose, et cette autre chose sert de vêtement à une chose supérieure, et ainsi de suite ; de sorte que le cerveau entouré d’une enveloppe sert lui-même d’enveloppe à un cerveau supérieur ; tout est donc cerveau à ce qui lui est inférieur et enveloppe à ce qui lui est supérieur.

  1. Zohar, II, fol, 171b ; t. IV, p. 123.
  2. Zohar, II, fol, 209a ; t. IV, p. 215.
  3. Zohar, I, fol, 19b et fol. 20a ; t. I, pp. 121-122.