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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

dis d’en haut : « Cet endroit est le séjour des esprits saints, aussi bien de ceux qui viennent en ce monde que de ceux qui n’y viennent pas. » Aussi le premier de ces textes était-il précédé de cette affirmation[1] : « Unis ensemble, le Verbe et l’Esprit ont donné naissance à d’innombrables légions d’anges et armées célestes. » Il se présentait comme un éclaircissement de cette pensée.

Mais ce ne sont pas seulement les êtres d’ici-bas qui ont leurs modèles en haut ; tout événement du monde inférieur n’est que la réplique d’un événement du monde supérieur. « Une tradition[2] nous apprend que le monde ici-bas est formé sur le modèle du monde d’en haut, et que tout ce qui se passe ici-bas se passe également en haut. »

Il y a plus : c’est l’événement d’en haut qui détermine l’événement d’en bas :

« Tout ce qui se produit sur la Terre n’est que l’effet[3] ; la cause est au Ciel. »

« Pour séparer la mer[4], il a fallu que la région céleste à laquelle correspond la mer Rouge fût également séparée en autant de voies qu’il a fallu de gués dans la mer pour livrer passage aux Israélites. Pour qu’un événement se produise ici-bas, il faut qu’un événement pareil se produise en haut, tout, ici-bas, n’étant que le reflet du monde d’en haut. »

Aussi est-ce seulement en apparence que les corps, ici-bas, agissent les mis sur les autres ; en réalité, cette action exige l’intermédiaire d’une action toute semblable dont le monde céleste est le théâtre. Lorsqu’ici-bas, en appliquant une chose à une autre, un médicament au corps d’un malade, nous pensons faire agir cela sur ceci, nous déterminons seulement, dans l’Univers immatériel, une action semblable à celle que nous voulons produire, et dont celle-ci résultera. « Tout ce qui est sur la Terre[5] est formé sur le modèle du monde d’en haut ; et il n’a pas le moindre objet en ce bas monde qui n’ait son équivalent dans le monde d’en haut qui le régit. En mettant en mouvement les objets d’ici-bas, on fait agir les forces d’en haut qui les régissent. Ainsi tout objet ici-bas est l’image d’une force céleste qu’on met mouvement en remuant l’objet d’ici bas. ».

Tout événement du monde d’en bas, donc, a pour cause un évé-

  1. Zohar, I, fol. 156a ; t. II, p. 214.
  2. Zohar, II, fol. 144a ; t. IV, p. 57.
  3. Zohar, I, fol. 30a ; t. I, p. 187.
  4. Zohar, I, fol. 207b ; t. II, p. 432.
  5. Zohar, I, fol. 156b ; t. II, p. 214.