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LA KABBALE

» Tel est le sens mystique des paroles : « Avec le Commencement, il créa Élohim », c’est-à-dire à l’aide de la Lueur (Zohar), origine de tous les Verbes (Maamaroth), Dieu créa Élohim… Par le mot Lueur, l’Écriture désigne le Mystérieux appelé Bereschith (Commencement), parce qu’il est le commencement de toutes choses. »

« Les mots[1] : « Bereschith bara Elohim » signifient : « Par le Verbe, Dieu créa le ciel et la terre. »

« Il est écrit[2] : « Au commencement, » Rabbi Youdaï dit : Quelle est l’interprétation analogique du mot : Bereschith ? Bereschith, au sens anagogique, signifie la Sagesse (Hocmâ), c’est-à-dire que c’est par le mystère sublime et impénétrable de Hocmâ que le monde existe. »

« Bereschith[3] désigne le Verbe qui correspond au degré de la Sagesse (Hocmâ) et il est appelé Commencement. » Le Verbe au degré de Hocmâ, c’est le Verbe lorsqu’il est encore à l’état de Pensée silencieuse, parce que la matière n’est pas créée et qu’il ne se peut manifester extérieurement.

Que de telles ressemblances, à la fois si étroites et si singulières, soient un simple effet du hasard, il est fort difficile de le croire ; on se contraint malaisément à penser que l’œuvre de Jean Scot n’ait pas été connue par les philosophes juifs, qu’elle n’ait pas été lue par Avicébron, par quelques-uns des Kabbalistes auxquels on doit le Zohar.

Mais voici d’autres considérations qui nous présenteront le monde idéal sous un nouvel aspect.

Il y a un instant[4], un texte nous a dit que les images des choses, contenues dans le monde supérieur, « ne sont pas gravées sur de l’or ou d’autres corps solides, mais qu’elles sont reproduites par des lumières célestes qui sont l’œuvre du Saint. » Un autre texte les a comparées à des lumières brillantes issues du Rayon caché qu’avait produit le Saint.

Or, nous entendrons constamment le Zohar regarder les esprits et les âmes comme des étincelles émanées de la divine Lueur. Nous pouvons donc admettre, croyons-nous, que ces modèles des choses d’ici-bas, dont est peuplé le monde supérieur, doivent être conçus comme des esprits ou des âmes. Aussi, des deux textes que nous venons de citer, le premier s’achève-t-il en disant[5], du Para-

  1. Zohar, I, fol. 16b ; t. I, p. 98.
  2. Zohar, I, fol. 3b ; t. I, pp. 17-18.
  3. Zohar, I, fol. 263a ; t. II, p. 620.
  4. Voir p.
  5. Zohar, I, fol. 150a ; t. IV, p. 70.