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LA KABBALE

On ne saurait vraiment, dans cette description, trouver trace du système de l’émanation

L’éther, puis le gaz, créés dans cette première phase de l’œuvre divine ressemblent fort à cette matière informe qu’un Saint Augustin tentait vainement d’imaginer.

La première œuvre que le Vrbe accomplit en cette matière fut de lui imposer une configuration et des bornes ; en même temps, il faisait jaillir le Point étincelant dont la Lumière allait être accessible à la matière délimitée :

« C’est seulement[1] quand Dieu fit prendre des contours à la matière[2], qu’il donna naissance à cette variété de couleurs qui, en réalité, n’existent pas dans la matière, n’étant dues qu’aux modifications subies par la lumière selon les corps qu’elle éclaire…

» Le son du Verbe constituait le commencement de la matérialisation du vide. Mais cette matérialisation serait toujours demeurée à l’état d’impondérabilité si, au moment de frapper le vide, le son du Verbe n’eût fait jaillir le Point étincelant, origine de la Lumière. »

Ce « cordeau » que le Verbe a tendu pour borner le Monde d’en bas et le séparer du Monde supérieur, du Monde idéal, dont nous parlerons bientôt, ce cordeau, disons-nous c’est le Firmament.

« En rendant la Lumière céleste accessible à la matière, dit le Zohar[3], le Verbe, qui est désigné par le mot Élohim, n’a pas rendu la matière susceptible de toute la lumière céleste ; il lui a assigné certaines limites. Le firmament qu’Élohim forma entre la matière et la Lumière céleste, sert de limite entre l’une et l’autre ; la matière peut y monter et la Lumière céleste peut descendre jusque là. Mais, en même temps que de limite, le Firmament sert de trait d’union entre l’une et l’autre ; et c’est grâce à ce trait d’union que l’une et l’autre sont unies en Élohim.

» En donnant aux ténèbres de la matière la faculté de se transformer en lumière jusqu’à une certaine limite, et en traçant, à la Lumière céleste, cette même limite jusqu’où la Lumière céleste peut descendre, Élohim a formé ainsi le trait d’union entre le ciel et la terre, » c’est-à-dire entre le Monde idéal et le Monde matériel.

Si l’on voulait parler ici le langage d’Avicébron, on pourrait

  1. Zohar, I, fol. 15a ; t. I, pp. 89-90.
  2. Mot à mot : Quand il traça un cordeau.
  3. Zohar, I, fol. 16b ; t. I, pp. 100-101.