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LA KABBALE

doctrine que nous avons précédemment rencontrée. Au gré de cette doctrine, le Père et la Mère célestes, Hocmâ et Binâ, représentés par le yod et le premier du téfragramme divin, ont eu un fils et une fille, que représentent le vav et le second . Élohim serait, si ce rapprochement est juste, le fils de la Sagesse et de l’Intelligence, tandis que l’Esprit d’Élohim en serait la fille.

En donnant à la Lumière céleste le nom d’Esprit-Saint, ou rendrait un des enseignements du Zohar plus exactement semblable à la doctrine catholique sur la Trinité divine. Mais cette dénomination n’est point utile si, de cet enseignement kabbalistique, on veut seulement rapprocher la Théologie d’Ibn Gabirol. La trinité du Créateur, du Verbe ou Volonté et de la Lumière, telle que la conçoit Avicébron, a grande analogie avec la divine Trinité définie par nombre de Kabbalistes. Ne soyons donc pas surpris des rapprochements qu’on peut faire entre la pensée du Rabbin de Malaga et le dogme de l’Église ; nombre de rabbins ont professé des théories tout aussi voisines du Christianisme.

Nous nous sommes efforcé de distinguer nettement les théories diverses que le Zohar propose touchant l’essence divine : et peut-être pourrait-on précisément nous reprocher d’avoir mis trop de netteté dans ces distinctions ; certes, les différents systèmes que nous avons exposes se retrouvent dans le Zohar, mais ils n’y sont pas séparés les uns des autres ; en dépit des contradictions qu’ils s’opposent entre eux, ils se mélangent et s’enlacent d’inextricable manière ; c’est que les auteurs du Zohar ne sont aucunement des logiciens, soucieux d’expliquer leurs pensées suivant un ordre parfait : leur féconde imagination se laisse entraîner aux caprices de l’allégorie ; s’il y a disparate entre les pensées auxquelles elle s’abandonne tour à tour, elle ne s’en inquiète guère.


IV
LA CRÉATION

Si l’Ancien des anciens demeure entouré d’un impénétrable mystère, les diverses hypostases qu’il a engendrées sont, jusqu’à un certain point, accessibles à la connaissance ; elles sont connaissables parce qu’elles se manifestent dans la création ; aussi la génération des diverses hypostases divines est-elle intimement liée aux diverses phases par lesquelles l’œuvre créatrice a passé.