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AVICÉBRON

telle que la concevait Salomon ben Gabirol ; il n’en est que la première partie.

Au gré du docte Juif, trois parties composent la Philosophie. « Dans la Science entière, dit-il[1], il y a trois parties, qui sont : La science de la Matière et de la Forme, la science de la Volonté et, enfin, la science de l’Essence première. » Cet ordre, ajoute-t-il. est celui qui convient à l’étude ; mais dans la réalité, t ordre est inverse : l’Essence première précède la Volonté, qui précède, à son tour, la Matière et la Forme.

Avicébron avait écrit un traité autre que le Fons vitæ, un traité consacré à la seconde partie de la Philosophie : « J’ai expliqué tout cela, dit-il à son disciple[2], au livre qui traite de la science de la Volonté ; ce livre est intitulé : Origo largitatis et causa volendi esse ; il doit être lu après celui-ci ; par lui, tu connaîtras avec certitude cette création au sujet de laquelle tu m’interroges. « Ce traité de la Volonté ne nous est malheureusement pas parvenu ; touchant les théories qui s’y trouvaient sans doute contenues, il nous faut contenter des trop brèves indications que l’auteur donne à la fin du Fons vitæ.

Quant au traité de l’Essence première, Ibn Gabirol l’avait-il composé ? Faut-il le confondre avec ce Tractatus de esse dont il fait mention[3] au Fons vitæ ? Non sans doute, car il suppose que son disciple a déjà lu le Tractatus de esse, tandis que l’étude de l’Essence première doit, à son gré, couronner l’enseignement de la Science.

Aux doctrines philosophiques de Salomon ben Gabirol, nous pouvons, croyons-nous, assigner dès maintenant trois sources principales ; nous en soupçonnerons, plus tard, une quatrième, et des plus imprévues.

La premiére de ces trois sources, c’est Liber de causis ; c’est celle dont l’influence est la plus aisément reconnaissable : c’est elle, en particulier, qui a fourni à Salomon la description de ce qu’il nomme les substances intermédiaires.

La seconde est la Théologie d’Aristote ; c’est à l’imitation de celle-ci, dont S. Munk avait déjà signalé l’intervention[4], qu’est construite la théorie du mouvement et du désir, prélude de la théorie de la Volonté ou du Verbe.

  1. Avencebrolis Fons vitæ, Tract. I, cap. 7, pp. 9-10.
  2. Avencebrolis Fons vitæ, Tract. V, cap. 40, pp. 330.
  3. Avencebrolis Fons vitæ, Tract. V, cap. 8, pp. 269.
  4. S. Munk, Avicébron du Dictionnaire des Sciences philosophiques de Frank ; 2e éd., p. 128.