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LA KABBALE

dans ce passage du Zohar[1] qui doit être d’assez fraîche date, comme lest, dans l’écriture hébraïque, l’usage des points-voyelles : « Lorsque le Point étincelant, qui est la semence du palais de la matière, se dessina, le Tout prit la forme de trois points, représentés par les points-voyelles, holem, sourd et hireq, qui se confondent l’un dans l’autre et ne forment qu’un seul mystère. »

Le Saint, le Roi d’en haut, ne se manifeste jamais ici-bas : mais, cachées au sein de Dieu, la Schekhina et la Colonne du milieu se révèlent dans le Monde. Aussi parle-t-on constamment, de la Schekhina d’en haut et de la Schekhina d’en bas, d’Élohim d’en haut et d’Élohim d’en bas. N’allons pas en conclure qu’il existe deux Schekhina ou deux Élohim.

« L’Élohim d’en haut[2] et celui d’en bas ne sont qu’un sous deux aspects différents. »

« La Schekhina[3] se fait d’elle-même, à l’exemple du Saint (béni soit-il !) dont elle n’est jamais séparée… Elle est à Dieu ce que le point-voyelle est à la lettre : le point-vovelle n’est pas une chose distincte de la lettre, mais une indication de la manière de la prononcer… Nous savons que Dieu est en haut et qu’il est en bas, de même que l’accent d’en haut et le point-voyelle d’en bas font partie de la lettre elle-même qu’ils accompagnent. Celui qui s’évertue à faire une distinction entre la partie de Dieu qui est plus haute et celle qui est plus basse, n’a pas de part en Dieu. »

H

Toute cette doctrine kabbalistique de la trinité divine offre, avec la doctrine chrétienne, une bien grande ressemblance : entre les deux enseignements, toutefois, une différence persiste ; pour les Chrétiens, le Verbe est la seconde personne de la Sainte-Trinité : c’est du Père et du Verbe que procède l’Esprit-Saint ; au contraire, pour les Kahbalistes dont nous venons de rapporter l’enseignement, la seconde hypostase de la Trinité divine, c’est la Lueur : le Verbe est le fils du Saint et de la Lueur. Nous allons voir s’effacer cette dernière divergence entre la pensée rabbinique et la foi chrétienne ; nous allons voir la Lueur procéder du Saint et du Verbe.

Du Principe suprême, du mystérieux Ancien, une foule du

  1. Zohar, fol. 15b ; t. I, pp. 91-92.
  2. Zohar, I. fol. 31b ; t. I, p. 197.
  3. Zohar, fol. 158b ; t. IV, p. 94.