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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

Dans tout ce texte, Élohim désigne le Verbe ; en voici un où le titre d’Élohim est constamment donné à la Mère d’en haut, tandis que le Verbe reçoit le nom de Colonne du milieu :

« Il y avait[1] un roi qui se proposait de construire plusieurs édifices. Ce roi avait un architecte qui ne faisait rien sans l’autorisation de son roi… Le roi, c’est la Sagesse supérieure d’en haut. Le roi d’en bas est la Colonne du milieu. Élohim est l’architecte céleste appelé la Mère d’en haut. Élohim est également l’architecte d’en bas ; et c’est celui qui est désigné par le nom de Schekhina d’en bas…

» Le Père adressa le Verbe à la Mère : Qu’il soit fait telle chose. Et aussitôt la chose fut faite. »

Un peu plus loin, au gré du Zohar[2] c’est « la Mère qui dit au Père : Faisons l’homme à notre image. » Le Père, « c’est le Suprême de toutes les choses suprêmes, c’est celui qui est appelé la Cause de toutes les causes, c’est celui qui fait naître toutes les causes suivies d’effets, et sans lequel rien ne se fait et rien n’existe, c’est Celui sans l’autorisation duquel rien n’est fait au ciel…

» Ces paroles : « Faisons l’homme à notre image » indiquent en vérité que, dans l’essence divine, il y a deux hypostases qui se parlaient l’une à l’autre à ce moment. La seconde dit à la première : « Faisons », parce qu’elle ne doit rien faire sans l’autorisation et la parole de la première : de même que la première ne fait rien sans consulter la seconde. »

Le Verbe est ainsi l’intermédiaire nécessaire entre la Cause des causes et la Mère d’en haut, entre le Saint et la Schekbina, car un peu plus loin, le Zohar écrit[3] : « La Schekhina dit au Saint (béni soit-il !) : « Faisons l’homme à notre image. »

Dans cette trinité de la Cause suprême, d’Élohim et du Verbe qui est leur constant intermédiaire, ne voyons rien qui contredise à l’unité de l’essence divine : « Je ne vous ai pas dit[4] que celui qui est appelé la Cause des causes soit le même qu’Élohim, et je ne vous ai pas dit non plus que celui qui est appelé la Cause des causes soit un autre qu’Élohim. Dans l’essence divine, il n’y a ni association ni nombre ; tout y est Un. L’association qui existe dans l’essence divine est comparable à celle qui existe entre le mâle et la femelle, qui ne sont appelés qu’un… En réalité, l’essence divine est une : il n’y a ni association ni nombre. »

Ce mystère de la trinité dans l’unité est exprimé avec force

  1. Zohar, I, fol. 22a ; t. I, p. 136.
  2. Zohar, I, fol. 22a ; t. I, p. 138.
  3. Zohar, I, fol. 23a ; t. I, p. 141.
  4. Zohar, I, fol. 22b ; t. I, p. 139.