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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

qu’un aspect, l’aspect supérieur et mystérieux. Seuls, l’Intelligence et le Verbe, que figurent les lettres et vav, sont, à la fois, mystérieux et révélés ici-bas ; c’est seulement par l’intelligence et le Verbe que nous pouvons soupçonner la Sagesse.

« Il y a, dit le Livre occulte[1] un vav d’en haut et un vav d’en bas, de même qu’il y a un d’en haut et un d’en bas ; mais il n’y a qu’un yod d’en haut, auquel rien ne s’associe et auprès duquel nul ne peut monter. C’est par l’union du vav et du qu’on aperçoit faiblement le yod, telles les veines qu’on aperçoit sous l’épiderme. Malheur au Monde quand l’épiderme est assez opaque pour cacher complètement les veines !… Le yod éclaire le vav et le , et malheur au Monde quand le yod se détourne du vav et du par suite des péchés des hommes ! »

G

Suivons les conséquences de ce dernier enseignement.

En Dieu, il y a deux hypostases qui demeurent inaccessibles û toute connaissance ; c’est, d’abord, l’Ancien, le Mystérieux, la Grande Figure ; c’est ensuite la Pensée silencieuse, la Sagesse, Hocmâ.

Il y a aussi deux hypostases qui se révèlent partiellement au Monde créé ; c’est l’intelligence (Binâ), et c’est le Verbe, fils d’Hocmâ et de Binâ.

Mais comment distinguer l’une de l’autre les deux hypostases absolument inconnaissables ? Bien naturellement, on sera conduit à les confondre, à ne plus voir en Dieu que trois hypostases dont une demeure absolument mystérieuse, tandis que les deux autres se manifestent en partie dans la Création.

Cet enseignement, c’est celui que donnent une foule de passages du Zohar.

Parfois, l’hypostase suprême et mystérieuse reçoit simplement le nom de Dieu. Le plus souvent, on lui donne le nom de Saint, en vajoutant aussitôt cette formule : Béni soit-il ! Elle reçoit aussi ces titres : l’Ancien, le Mystérieux, ta Cause de toutes les causes, l’infini, la Sagesse d’en haut. On l’appelle le Roi d’en haut ou simplement le Roi Elle est enfin le Père ou l’Essence fécondante.

Du Saint émane, en premier lieu, la Lueur ou Splendeur (Zohar). Elle est la Mère d’en haut et d’en bas, la Matrone céleste, l’Essence génératrice. Elle est la semence et l’origine de l’Univers.

  1. Zohar, II, fol. 777a ; t. IV, p. 141.