Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
96
LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

lui ai dit : Maître, tu nous as enseigné que le yod est aussi le symbole de la Sagesse, et, en effet, c’est ainsi. Mais pourquoi est-il le symbole de Binâ ? Il m’a répondu : Vois que l’Écriture dit : « Et un fleuve sort de l’Éden pour arroser le jardin, » Quel est ce fleuve qui sort de l’Éden ? C’est Binâ. Le yod est un point mystérieux ; projette les lumières de tous les côtés. Mais, comme on nous l’enseigne, était daleth ; le yod s’unit avec daleth comme s’unissent le mâle et la femelle, et alors daleth devient . Le devient mère et enfante le vav. C’est le Fils qui se tient toujours devant la Mère et que la Mère allaite. »

Un autre passage du Zohar[1] indique nettement la suite des processions qui, du Mystérieux ou Néant, descend successivement à la Pensée, à l’Intelligence, enfin au Verbe, et qui réunit toutes ces hypostases dans l’unité :

« C’est la voix qui forme le verbe, et il n’y a point de voix sans verbe. La Voix a été envoyée de la région suprême pour garder le Verbe ici-bas : car il n’y a pas de voix sans verbe ni de verbe sans voix…

» Remarquez que la Pensée est le premier degré ; c’est le degré inconnu et impénétrable. Quand la Pensée s’étend plus loin, elle arrive à la région de l’Esprit : cette région forme la troisième[2] des Sephiroth suprêmes, Binâ ; ce degré est moins caché que le premier. Lorsque l’Esprit s’étend, le Verbe sort alors. … La Voix est la synthèse de toutes les forces célestes, et c’est elle qui conduit le Verbe, pour que celui-ci prononce des paroles de joie. En examinant bien ces degrés, on trouvera que la Pensée, la Binâ (L’Esprit-Saint), la Voix et le Verbe ne forment qu’Un, que tout se ramène à la Pensée, première de toutes, et qu’il n’y a aucune séparation entre eux ; tout est Un, et la Pensée est unie étroitement au Néant et n’en est jamais séparée, ainsi qu’il est écrit : « Le Seigneur est Un et son nom est Un. »

E

Dans la théorie dualiste de la Divinité, ou considérait en Dieu deux aspects : d’une part était L’Ancien, Jéhovah ou la Grande Figure, qui demeurait sans cesse dans un impénétrable mystère ; d’autre part, était Élohim ou la Petite Figure ; celle-ci présentait comme deux côtés, un par lequel elle demeurait cachée au sein de Jéhovah, un autre par lequel elle se manifestait au Monde.

  1. Zohar I, fol. 246b ; t. II, p. 575-676.
  2. Parce qu’au dessus de la Pensée, se trouve l’Ancien ou Néant.