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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

C

La trinité, décrite jusqu’ici, du Mystérieux, de la Sagesse et du l’Intelligence, ou bien du Principe suprême, de la Pensée et du Verbe va se multiplier et se compliquer,

L’Idra zouta nous a enseigné que Hocmâ et Binâ étaient « quelque chose comme mâle et femelle » ; elle leur a donné les noms de Père et de Mère.

Or, dit ce même livre[1], « dans l’endroit où sont contenus le mâle et la femelle, ils ne subsistent que par un autre état de mâle et de femelle. » Le couple de Hocmâ et de Binâ va, dès lors, produire un nouveau couple ; le Père et la Mère auront un Fils et une Fille.

De ce Père et de cette Mère, de ce Fils et de cette Fille, l’existence est symbolisée par les quatre lettres qui forment le divin tétragraminc ;

« Le yod[2] est renfermé dans lu Sagesse (Hocmâ) ; , c’est la Mère, qui est appelée Binâ ; vav sont les deux enfants qui sont couronnés par la Mère. »

De la Fille, née de Hocmâ et de Binâ, il ne sera guère question ; elle s’efface devant le Fils, « Le Fils prend possession de tout[3], il hérite de tout et il se répand partout. Le Fils transmet l’héritage à la Fille qui est nourrie par lui. Par la loi est que le fils hérite du père et de la mère, et non la fille ; c’est par le fils que colle-ci est nourrie, »

À cette Fille obscure, l’Idra zouta ne donne meme pas de nom, tandis qu’elle prend soin de nommer le Fils « Le Père, la Mère et le Fils, dit-elle, sont appelés Sagesse (Hocmâ), l’Intelligence (Binâ) et Savoir (Da’ath). Comme le Fils porte les signes caractéristiques du Père et de la Mère, on l’appelle Savoir, car il est leur témoin ; et ce Fils est appelé Premier-Né. »

La Fille céleste est si complètement éclipsée par le Fils que, pour désigner le couple du Fils et de la Fille, les Kabbalistes se contentent parfois de désigner le Fils ; c’est ce que nous voyons au passage suivant de l’Idra zouta[4], passage où, d’ailleurs, le nom de Binâ n’est point donné à la Mère, mais au Fils :

« Dans le livre d’exégèse de Rabbi Abba l’ancien, il est dit :

  1. Zohar, III, fol. 290a ; t. VI, p. 90.
  2. Zohar, III, fol. 290b ; t. VI, p. 92.
  3. Zohar, III, fol. 291a ; t. VI, p. 94.
  4. Zohar, III, fol. 290a ; t. VI, p. 90.