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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

forma universali, et ejus consumazione coysummatus est totus liber, cum auxilio Dei et ejes misericordia.

Libro prescrito sit laus et gloria Christo,
Per quem finitur quod ad jus nomen initur.
Transtulit Hispanis interpres lingua Iohannis
Hunc ex arabico, non absque juvante Domingo. »

C’est donc bien à la collaboration de Jean de Luna et de Dominique Gondisalvi que les Scolastiques latins durent la connaissance du Fons vitæ, dont ils firent si grand usage.

Dominique Gondisalvi (Gundissalinus) fut le premier qui fit au Fons vitæ, de fréquents emprunts ; on les peut reconnaître dans ses divers écrits philosophiques, en particulier dans ce De unitate qui fut longtemps attribué à Boëce[1]. Après lui, Guillaume d’Auvergne, Albert le Grand, Saint Thomas d’Aquin, Jean de Duns Scot devaient, à l’envi, citer le traité d’Avicébron[2] ; la doctrine du Rabbin de Malaga leur semblait si fortement teintée de Christianisme, que plusieurs d’entre eux se demandèrent si l’auteur n’avait pas été chrétien. Il fut même composé, sans doute au xiiie siècle, un abrégé du Fons vitæ ; un exemplaire manuscrit de cet abrégé, conservé au couvent cistercien de Lilienfeld, a permis à M. Bäumker d’en publier le texte[3].

Durant ce même xiiie siècle, d’ailleurs, la connaissance du Fons vitæ dut se répandre également parmi les coreligionnaires de Salomon ben Gabirol, car une version hébraïque en fut alors donnée par le rabbin espagnol Ibn Falaqera ; de cette version, S. Munk a publié une traduction française[4].

Le titre complet de l’ouvrage d’Avicébron est, dans la traduction de Jean de Luna et de Dominique Gondisalvi : Liber fontis vitæ, de prima parte sapientiæ, id est scientia de materia et forma universali. Ce titre nous explique comment certains Scolastiques, Guillaume d’Auvergne par exemple, ont pu être conduits à l’appeler Fons sapientiæ au lieu de Fons vitæ ; mais surtout il nous avertit que ce traité n’est pas l’exposé complet de la Philosophie

  1. Paul Correns. Die dem Boethius fälschlich zugeschriebene Abhandlung des Dominicus Gundisalvi De Unitate (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Bd. I, Heft I, Münster, 1891 ; pp. 1-56).
  2. M. Joël, Ibn-Gebirol’s (Avicebrons) Bedeutung für die Geschichte der Philosophie ; 1857. M. Joël Beiträge zur Geschichte der Philosophie, Bd. I, Breslau, 1876. Anhang).
  3. Avencebrolis Fons vitæ, éd. Bäumker ; Appendix, Epitome Compililiensis (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Bd. I, Heft 2-4, Münster, 1895, pp. 341-387).
  4. S. Munk, Mélanges de Philosophie juive et arabe ; Paris, 1858. Extraits de la Source de Vie de Salomon Ibn-Gebirol, pp. 1-148.