Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/99

Cette page n’a pas encore été corrigée
96
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Jointe à l’affirmation qu’on prêtait au Stagirite, cette pensée devait un jour conduire à cet enseignement : La terre est dix fois plus dense que l’eau, l’eau dix fois plus dense que l’air, l’air dix fois plus dense que le feu.

La doctrine d’Aristote sur les volumes respectifs des sphères élémentaires prenait, dès lors, cette forme : Dans l’Univers, l’eau occupe un volume décuple de celui de la terre, l’air un volume décuple de celui de l’eau, le feu un volume décuple de celui de l’air.

Dans l’Antiquité gréco-latine, nous ne connaissons aucun auteur qui ait pleinement formulé cette théorie ; mais plusieurs, du moins, ont affirmé cette proposition : Le volume de l’eau est plus considérable que le volume de la terre.

Si la sphère aqueuse doit occuper un volume plus grand que celui de l’élément terrestre, comment peut-on rendre compte de l’existence de terres fermes ? Il ne suffit plus d’invoquer les petites éminences que présente la surface terrestre, les légers écarts de cette surface par rapport à la figure parfaitement sphérique. On.se tirait de cet embarras en supposant qu’une grande partie de l’élément de l’eau, au lieu d’environner la terre, était contenu dans des cavités creusées au sein de l’élément terrestre.

Cette étrange supposition avait été certainement accueillie par la Philosophie hellénique, tout au moins au temps de son déclin. Le commentaire sur le traité De la génération et de la destruction, composé par Jean Philopon, produit à deux reprises[1] comme énoncé àd’une vérité reconnue, cette proposition : « Pourvu qu’on tienne compte de l’eau contenue dans les cavités terrestres, l’eau est plus grande que la terre. »

Dans ses Remarques sur le premier livre des météores, Jean Philopon propose une autre hypothèse. Il continue bien d’admettre[2] « que la terre est creusée de profondes cavités dans lesquelles l’eau se précipite pour les remplir. » Mais il semble croire que le liquide contenu dans ces cavités ne suffirait pas à rendre le volume de l’élément aqueux supérieur au volume de l’élément terrestre ; pour qu’il en soit ainsi, il faut aussi

1. Ioannis Philoponi In Aristotelis libros de générations et corruptions comment taria. Lib. II, cap. VI. Ed. Vitelli, p. 258 et p. 260.

2. Ioannis Philoponi Scholia in I meteorum Aristotelis. Camotio interprète. Venetiis, MDLI, fol. 108, r°. — Ioannis Philoponi In Aristotelis meteorologicorum librum primum commeniarium. Ed. Hayduck, Berolini, 1902 ; p. 37.

  1. 1
  2. 2