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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

aucune attention à cette question. Il définit[1] les verticales comme des lignes qui convergent vers le centre de l’Univers, εἰς τὸ τοῦ Παντὸς κέντρον, puis, aussitôt après, il les traite comme parallèles entre elles.

Il semble donc que l’existence, pour un corps, d’un centre de gravité invariablement lié à ce corps ait paru, aux Anciens, indépendante du parallélisme ou de la convergence des verticales, comme de la loi qui peut faire varier la gravité avec la distance au centre où elle tend. Dès lors, la proposition énoncée par Alexandre d’Aphrodisias se trouvait justifiée ; un grave devait se mouvoir comme si son centre de gravité tendait à se placer au centre du Monde, et si le centre de gravité occupait cette position, le corps demeurerait en équilibre.

Pour reconnaître que cette doctrine n’est point véritable, à moins qu’on ne suppose l’intensité de la pesanteur proportionnelle à la distance au centre du Monde, il faudra un long débat qui passionnera la plupart des grands géomètres du xviie siècle[2] soulevé par Jean de Beaugrand, le Géostaticien, ce débat verra se ranger du côté de la doctrine erronée d’Alexandre non seulement un Benedetti Castelli, mais encore un Pierre Fermât, tandis que la vérité trouvera pour défenseurs Descartes et, surtout, Etienne Pascal et Roberval.


II
L’ÉQUILIBRE DES MERS
SELON LES COMMENTATEURS HELLÈNES D’ARISTOTE


Les considérations de Mécanique qui rendaient compte du repos de la terre autour du centre du Monde expliquaient également, au gré du Stagirite, la rotondité de cette même terre ; cette rotondité a pour cause la poussée de toutes les parties vers le centre, où chacune d’elles cherche son lieu naturel.

À la pesanteur, Aristote ne demandait pas seulement la cause de la rotondité terrestre ; il lui demandait également l’explication de la figure des mers ; nous avons rapporté[3] le

  1. Pappus, loc. cit., p. 1030.
  2. Au sujet de ce débat, voir nos Origines de la Statique, ch. XVI ; t. II, pp. 152-155.
  3. Voir : Première partie, ch. IV, § XIII ; t. I, pp. 213-215.