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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

rantes ; il est clair qu’il ne faut pas entendre par là deux parties d’égal poids, au sens précis que nous donnons aujourd’hui à ce mot, mais deux parties d’égal moment par rapport au plan considéré. C’est dans ce sens qu’Archimède employait le mot ἰσόρροπος dans ses recherches sur les centres de gravité. C’est à la notion de moment que les successeurs d’Archimède, comme Héron et Pappus, font un appel implicite, mais constant, lorsqu’ils déterminent le centre de gravité d’un corps ; cet appel est fait par l’intermédiaire de la loi du levier[1], origine de la notion de moment, loi que nos auteurs invoquent sans cesse dans leurs démonstrations.

La définition du centre de gravité, telle que nous venons de l’entendre donner par Pappus, est conforme à celle qu’en donnait sans doute Archimède dans le Περὶ ζυγῶν.

Comme Pappus, Simplicius mentionne le Περὶ ζυγῶν ; mais il ne paraît pas, plus que Pappus, avoir eu connaissance de cet ouvrage. En tout cas, dans le passage du commentaire au Traité du Ciel que nous citions tout à l’heure, ce n’est pas à la façon d’Archimède qu’il définit le centre de gravité ; la définition qu’il en donne reproduit presque exactement celle que L’élévateur de Héron d’Alexandrie attribue au douteux Poseidonios.

Tout ce qu’Archimède, Héron d’Alexandrie, Pappus ont dit du centre de gravité donne lieu à une remarque essentielle.

Si l’on admet, comme on le fait si souvent en Mécanique, que le champ de la pesanteur ait même direction et même intensité en tous les points du corps dont on raisonne, partant que toutes les verticales soient parallèles entre elles, toutes ces propositions sont vraies.

Elles sont également.vraies, si l’on regarde les verticales comme des lignes qui convergent toutes vers un même point, et si l’intensité de la pesanteur en un point est supposée proportionnelle à la distance entre ce point et le point de concours des verticales.

Hors ces conditions très précises, ces propositions sont généralement fausses ; la résultante des poids des diverses parties d’un corps n’a plus un point d’application dont la position, dans le corps, demeure inchangée lorsque le corps change lui-même de position et d’orientation.

  1. Pappi Alexandrini Op. laud., loc. cit., p. 1043.