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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Si nous voulons bien comprendre la portée de cette assimilation, il nous faut examiner ce qu’Alexandre et Simplicius connaissaient des recherches d’Archimède et des autres mécaniciens touchant les Centrobaryques.

D’Archimède nous possédons, nul ne l’ignore, deux livres sur les plans équilibres ou sur les centres de gravité des plans. Ἐπιπέδων ἰσορροπιῶν ἢ κέντρα βαρῶν ἐπιπέδων αʹ καὶ βʹ. Dans cet ouvrage célèbre, Archimède détermine la position du centre de gravité de diverses figures planes ; mais il ne définit aucunement ce point et n’en démontre pas l’existence d’une manière générale.

Le géomètre de Syracuse avait certainement traité du centre de gravité dans un autre ouvrage aujourd’hui perdu. Dans son traité De la quadrature de la parabole, il fait, à cet écrit, une allusion fort nette : « Tout corps suspendu, dit-il[1], quel que soit le point de suspension, s’arrête de telle manière que le point de suspension et le centre de la gravité (τὸ κέντρον τοῦ βάρεος) soient sur la même verticale. Cela a été démontré. »

Ce traité perdu d’Archimède paraît avoir eu pour titre : Sur les balances, Περὶ ζυγῶν[2]. C’est vraisemblablement celui que Héron d’Alexandrie cite, dans son traité de Mécanique intitulé L’élévateur, en le désignant par ce titre : Sur les leviers.

Dans L’élévateur, Héron désigne parfois le centre de gravité par ce nom qu’employait Archimède ; plus souvent, il l’appelle centre d’inclinaison ou encore point de suspension. Voici d’abord la définition qu’il en donne[3].

« Le point de suspension est un point quelconque. Sur le corps ou sur la figure non corporelle, tel que lorsque l’objet suspendu est suspendu à ce point, ses portions se font équilibre, c’est-à-dire qu’il n’oscille ni ne s’incline. »

À la suite de cette définition, Héron ajoute :

« Archimède dit que le corps grave peut être en équilibre sans inclinaison autour d’une ligne ou autour d’un point ; autour d’une ligne, lorsque le corps reposant sur deux points

  1. ΑΡΧΙΜΗΔΟΥΣ Τετραγωνισμὸς παραβολῆς (De quadratura parabolæ, VI) (Archimedis Opera omnia. Iterum edidit I. L. Heiberg, Lipsiæ, MDCCCCXIII, vol. II, pp. 274-275).
  2. Au sujet des mentions faites, dans l’Antiquité, du Περὶ ζυγῶν d’Archimède, voir : Pierre Duhem, Les Origines de la Statique, t. II, Paris, 1906, Note B : Sur Charistion et sur le Περὶ ζυγῶν d’Archimède ; pp. 301-310.
  3. Les Mécaniques ou l’élévateur de Héron d’Alexandrie, publiées pour la première fois sur la version arabe de Qostâ ibn Lûkâ et traduites en français par M. le Baron Carra de Vaux. Extrait du Journal Asiatique, Paris, 1894, p. 73 du tirage à part.