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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

refractione dicit… » Mais il ne lui semble pas que cette théorie puisse être reçue. Les rayons lunaires réfléchis par la huitième sphère seraient beaucoup trop faibles pour déterminer la pleine mer qu’on observe lorsque la Lune franchit, de l’autre côté de la terres le prolongement de notre méridien. Il faut donc chercher, du soulèvement de la mer, quelque explication plus satisfaisante.

Or Témon connaît le Tractatus de fluxu et refluxu maris. En effet, dans la question qui précède immédiatement celle où il traite de la marée, il avait écrit1 :

« Habituellement, la mer se meut et coule du Nord au Sud. On le démontre ainsi : La mer est très élevée au Nord et très basse au Sud, et comme l’eau coule toujours vers le lieu le moins élevé, la proposition en résulte. La première partie de la prémisse est évidente ; au Nord, en effet, règne un grand froid ; c’est donc là que l’eau s’engendre, là que viennent confluer sources et fleuves ; et, d’autre part, le défaut de chaleur solaire fait que ces eaux ne sont pas consumées ; il faut donc qu’en cette région, il reste une grande quantité d’eau et, partant, que la mer soit très élevée au-dessus du centre du Monde. Au contraire, au Midi, l’excessive chaleur du Soleil dessèche continuellement la mer ; elle s’y abaisse donc.

» Il est possible qu’en certains lieux, par suite de quelque empêchement, le mouvement’se fasse en sens inverse ; par exemple, sous la voie parcourue par le Soleil, il se peut que la chaleur excessive raréfie et dilate l’eau à tel point qu’elle se meuve du Midi vers le Nord ; ainsi dit-on, dans un certain Traité du flux et du reflux de la mer, que, sous la voie parcourue par le Soleil, la mer est soulevée par l’ébullition ; ainsi convient-il que le flux se fasse en sens inverse [c’est-à-dire du Sud au Nord]. »

Le Tractatus de fluxu et refluxu maris ne parlait aucunement d’un mouvement qui entraînerait les mers des tropiques vers les pôles ; c’est aux vapeurs, non pas à l’eau liquide, qu’il attribuait ce mouvement ; Témon prête ici à ce traité l’hypothèse qu’il avait suggérée à Gilles de Rome. Aussi n’est-ce pas la théorie des marées proposée par le Tractatus de fluxu et refluxu maris, mais ce que cette théorie est devenue dans

1. Temonis Judæi Op. laud., lib. Il, quæst. I : Utrum mare, quod est in loco naturali aquæ, sit generabile et corruptibüe, vel perpetuum.