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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

borné supérieurement par la surface concave du feu, qui est celle d’un ovoïde allongé suivant la ligne des pôles, l’air, au gré de Jean Buridan[1], se divise en trois régions qui s’enveloppent l’une l’autre.

La couche d’air qui occupe la région supérieure doit être plus épaisse à l’équateur qu’au pôle ; elle est, en effet, formée d’air chaud, et l’air est d’autant plus profondément échauffé par le feu qui lui est contigu que ce feu occupe une plus grande profondeur et qu’il tourne d’un mouvement plus rapide, c’est-à-dire que ce feu est plus voisin de l’équateur. La surface qui Sépare la région supérieure de l’air de la région moyenne a donc la forme d’un ovoïde allongé suivant la ligne des pôles, et plus allongé que l’ovoïde suivant lequel l’air confine au feu.

Au contraire, Buridan suppose que la surface le long de laquelle la région inférieure et la région moyenne de l’air confinent l’une à l’autre est une surface lenticulaire dont le plus petit diamètre est dirigé suivant la ligne des pôles. La région inférieure de l’air, en effet, est, elle aussi, une région chaude. « Là donc où se font, de la part de l’eau et de la terre, les plus fortes réflexions des rayons solaires, là aussi cette région inférieure atteint à une hauteur plus grande ; or c’est ce qui a lieu sous l’équateur plus qu’au pôle. »

D’après cette disposition, la couche intermédiaire de l’air, qui est froide, est beaucoup plus épaisse au voisinage des pôles que sous l’équateur.

Toute cette théorie de Buridan repose sur des hypothèses évidemment suggérées par celles que le Tractatus de fluxu et refluxu maris avait, le premier, proposées.

Évidemment, il serait puéril de chercher, en cette théorie, une première aperception de vérités que la Science aurait, plus tard, affermies et développées ; elle s’autorise d’une Physique qui n’est qu’à peine en enfance ; toutefois, il est permis de remarquer le souci de clarté et de précision qui hante l’esprit du vieux maître parisien lorsqu’il tente de poser les fondements d’une Météorologie rationnelle.

  1. Jean Buridan, loc. cit.