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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

C’est encore une pensée fort juste que notre auteur développe[1] au sujet des gouffres (de gulfis), où nombre de gens, à l’imitation de Paul Diacre, voyaient les causes du flux et du reflux.

« Certaines mers qui communiquent entre elles, dit-il, éprouvent naturellement le flux et le reflux dans un détroit (distinctus) ou dans plusieurs détroits [qui les réunissent]. Au moment de la marée montante, ces mers fluent vers ces détroits à l’encontre l’une de l’autre ; ces mers qui se choquent l’une l’autre produisent une agitation si désordonnée que les navires amenés en un tel lieu par les courants qui y confluent chavirent et périssent ; dans ces détroits, l’eau monte à une grande hauteur car elle y arrive de divers côtés opposés et s’y accumule. Lorsque la marée montante vient à prendre fin, ces mers rentrent impétueusement en elle-mêmes, et ces détroits ne gardent aucune élévation ou n’en gardent que fort peu… Ces détroits, on ne sait pas bien où ils sont ; les marins, en effet, n’osent point, à cause du danger, naviguer dans ces parages, et s’ils y sont parfois entraînés, ils n’en reviennent pas. Aussi, comme ces détroits sont inconnus, les poètes imaginent, les gens du vulgaire et même les marins croient qu’il y a là des profondeurs infernales, que ces gouffres absorbent une grande quantité d’eau et la rejettent ensuite. »

Buridan a bien montré comment ce qu’on avait pris pour la cause du flux et du reflux de la mer n’en était que l’effet.

Le Philosophe de Béthune n’a nullement admis l’explication des marées qu’avait proposée le Tractatus de fluxu et refluxu. maris ; en résulte-t-il qu’il n’ait rien emprunté à cet opuscule ? Gardons-nous de le croire.

En effet, avant la question sur les Météores où les marées sont étudiées, s’en trouve une qui est ainsi formulée : « Certaines mers doivent-elles changer de place avec d’autres mers, et couler continuellement tant qu’elles durent ? » Parmi les causes qui déterminent le constant écoulement de certaines mers, Buridan mentionne celle-ci[2] :

« La troisième cause, c’est la génération d’une grande quantité d’eau qui se fait d’un côté pendant qu’il s’en consomme beaucoup d’un autre côté. C’est de cette façon que les mers septentrionales doivent coûter vers les mers australes. Sous le

1. Ms. cit., fol. 207, col. a.

2. Byridani Op. laud., lib. II, quæst. II : Utrum aliqua maria debeant permutari in alla maria et continue fluere quamdiu durant ; ms. cit., fol. 205, col. a.

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